Réforme de l’électricité : la Snél dans la rue

Lundi 2 Septembre 2019 - 19:48

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Les agents en colère ont dévalé les artères de Goma, la capitale du Nord-Kivu, le 2 septembre. Officiellement, ils protestent contre la concurrence déloyale dans le secteur de l’électricité en République démocratique du Congo (RDC). Cette démarche quasi-inédite pour l’opérateur public montre combien la réforme de juin 2014 reste une matière explosive.

Sur leurs affiches et autres banderoles, les manifestants de Goma dénoncent « tout démembrement de la Société nationale d’électricité (Snél) ». Pour eux, « la libéralisation du secteur de l’électricité ne signifie pas une concurrence déloyale ». Irrités par un débat d’experts aux contours flous sur le sort de la société nationale, les agents de la Snél décident d’envahir la place publique en posant directement les vraies questions sans réponses. Il y a, par exemple, cette interrogation légitime sur la concurrence déloyale qui règne dans le secteur de l’électricité depuis sa libéralisation. Comme l’expliquent les agents, le partage de la concession de distribution du courant électrique à Goma avec les sociétés privées Virunga Sarl et Socode est une véritable catastrophe. Les deux privés exploitent le courant produit par la Centrale électrique de 15 MW de Matebe, mais il se trouve que les abonnés de la Snél se plaignent de plus en plus de la qualité de services. En effet, les coupures sont répétitives et les délestages non respectés, alors que les deux sociétés privées servent leurs clients sans aucune coupure ou délestage, ont-ils scandé.

En dehors de la problématique du chevauchement des réseaux, l’Etat RD-congolais a essuyé aussi de nombreuses critiques acerbes de la part des manifestants pour son refus d’honorer ses engagements. Cette question a fait l’objet de tirs croisés en plein atelier entre les responsables de la Snél et ceux du ministère du Budget. Selon ces derniers, il y a eu un règlement concerté de l’endettement réciproque entre l’opérateur public, qui dispose également d’une lourde dette vis-à-vis de l’Etat, et le gouvernement de la République. Il y a eu des travaux de conciliation et d’arbitrage des dettes et créances croisées de toutes les entreprises transformées en 2012, dont la Snél. Toutefois, les agents accusent directement le gouvernement d’être à la base du service minimum offert par la Snél en raison justement de l’insolvabilité des maisons de l’État, des établissements publics et entreprises de l’Etat.

En définitive, les agents de la Snél Goma voient d'un mauvais œil tout risque de démembrement ou d’amputation de la société nationale. Par ailleurs, ils s’opposent également au chevauchement des réseaux et à la violence des tracés du réseau Snél. Le débat est loin de se terminer, du moins à cette étape d’une réforme assez controversée. L’on se rappelle le tollé suscité par une recommandation non débattue en plénière sur le saucissonnage de la Snél lors du premier forum sur l’électricité à Matadi. Dans le domaine de l’application effective de la libéralisation, l’organe technique du gouvernement en la matière, le Copirep, ne cesse de rappeler l’urgence de supprimer la facturation forfaitaire imposée à la Snél au moment où les privés ajustent leurs prix en fonction de la consommation. Il faut assurer simplement l’égalité et l’équité des prix dans ce domaine. Il faut en quelque sorte une garantie de l’exercice d’une concurrence loyale pour ne pas défavoriser la Snél. Par ailleurs, la phase de restructuration intègre d’abord la stabilisation et redressement, mais aussi la restructuration proprement dite. C’est seulement lors de cette dernière étape qu’il faudra définir les meilleures options possibles et autres modalités. Nous n’en sommes pas encore là.

Laurent Essolomwa

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