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Regard sur les cinquante dernières années (1965-2015) 1994 suite (35)

Jeudi 8 Septembre 2016 - 15:54

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En 1994, la tension s’aggrave au Congo. Tension entre les forces politiques, tension entre les hommes dont les querelles interpersonnelles servent de toile de fond aux contrariétés politiciennes. C’est dans cette atmosphère de miasme putride que le Premier ministre Jacques-Joachim Yhomby-Opango fait une sortie médiatique, le vendredi 17 juin 1994, au Palais du parlement à Brazzaville. Au cours de cette rencontre avec les cadres administratifs nationaux, entre autres propos, le Premier ministre déclarait au sujet  des événements douloureux qui ont endeuillé le pays : « la petite histoire retiendra que juin 1993 et les mois qui ont suivi étaient une période d’incompréhension totale et de confusion pour ne pas dire de honte pour l’ensemble de notre classe politique et de notre société ». Edifiante confession sur la « bêtise humaine » au Congo qui jamais ne cesse. Ce n’est donc pas sans raison que Dieudonné-Antoine Ganga, ancien ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et des Postes et Télécommunications du gouvernement de transition affirmait, dans une interview dans la Semaine Africaine n° 2004 du jeudi 17 novembre 1994 : « nous sommes des criminels, partisans de la politique de la terre brûlée, de la politique  ‘’après nous le déluge’’. Nos enfants viendront un jour cracher sur nos tombes », concluait-il. Pendant ce temps, la brouille entre le président Lissouba et son prédécesseur Sassou Nguesso s’envenime à coups de déclarations fulminantes faisant craindre le pire au pays. Dire la paix et faire la guerre semblent être l’option de nos hommes politiques depuis la fin de la Conférence nationale. En 2015, nous avons failli connaître une énième déflagration du fait de ce qu’ils se complaisent à appeler « la bêtise humaine ». Persévérer dans cette voie est simplement diabolique. «  Le cocktail du vivre ensemble » du 10 août dernier a été  superbement escamoté par les partisans de la politique de la terre brûlée. Où allons-nous ?

Du 19 au 23 décembre 1994, pour exorciser les démons de la violence, le Forum national pour la culture de paix se tient à Brazzaville sur le thème « le dialogue intercommunautaire pour la paix, la démocratie et le développement durable ».  Un amoncellement de concepts qui ont du mal à prendre corps dans le monde politique congolais. Ils sont psalmodiés voire « coranisés »  sans foi. Résultat, la violence est instituée comme le seul mode de règlement des contradictions politiques. À nos dépens.

La cérémonie d’ouverture de ce Forum était placée sous le haut patronage du président Lissouba et du directeur général de l’Unesco, Federico Mayor. Un parterre de chefs d’Etat : El Hadj Omar Bongo du Gabon, Teodoro Obiang Nguema de la Guinée Équatoriale, Ange Félix Patassé de la République Centrafricaine, Pasteur Bizimungu du Rwanda, Sylvestre Ntibantungana du Burundi et  Miguel Traovaoda de Sao-Tomé et Principe. Le président  Mobutu du Zaïre qui devait diriger le Forum n’était pas venu. Parmi les nombreuses personnalités invitées, trois anciens chefs d’Etat : Amadou Toumani Touré du Mali, le major Buyoya du Burundi et Denis Sassou Nguesso du Congo.

Ce forum, censé accompagner les efforts des Congolais à restaurer la paix et favoriser le dialogue intercommunautaire, connaît une importante participation de tous les acteurs de la vie politique nationale. Le prince Moe Poaty, héritier du roi Moe Poaty III de Loango et le roi Makoko y ont également pris part. Il faut se rendre à l’évidence, depuis plus de 25 ans on parle de dialogue sans parvenir à l’inscrire dans les mœurs politiques de ce pays. Tant que la politique sera faite par des rapaces, rien de bon à l’horizon.

Dans une des saillies dont il a le secret, Mberi Martin, dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique, dans son édition numéro du 17 au 23 novembre 1994, déclarait : « Lissouba n’est pas né en 1992. On ne naît pas à 63 ans. Où étaient-ils donc tous ces gens, aux heures les plus difficiles ? En fait de proches, il s’agit pour l’essentiel de rapaces, avides de pouvoir et d’argent, et qui se comportent bien souvent, comme on l’a fait dans ce pays pendant plus de trente ans. À longueur de journée, les uns et les autres chantent les louanges du président, mais à la moindre alerte, ils s’évanouissent dans la nature (…) Ils forment la majorité de l’entourage du chef de l’Etat. Dans ce pays, tout le monde ambitionne de devenir ou de diriger une grande entreprise d’Etat. Pour s’en mettre plein les poches ». À méditer. Ainsi va la vie au Congo.

 

MFUMU

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