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Regards anxieux pour Kinshasa

Samedi 10 Décembre 2016 - 13:26

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Dans une semaine exactement, le 19 décembre, peut-être même avant, les Congolais de RDC auront à choisir entre deux implorations :  continuer de vivre ensemble comme ils l’ont fait jusqu’ici, malgré les accidents de l’histoire, de leur histoire, ou prendre le risque douteux de se laisser piéger par les démons de la haine et de la division. Cette date marquera la fin du second mandat du président Joseph Kabila, tout autant qu’elle pourrait servir un autre futur, celui de l’enclenchement d’une Transition de quelques dix-sept mois ainsi que dessinée par le dialogue inter-congolais organisé les semaines écoulées à Kinshasa.

Nuançons cependant le propos en auscultant les particularismes du microcosme politique rd-congolais : si, en effet, la majorité présidentielle était allée à ce dialogue unie, cela n’a pas été le cas pour l’opposition qui a étalé au grand jour ses énormes dissensions. D’où la poursuite par le chef de l’Etat, Joseph Kabila, et par les hommes d’Eglise, de pourparlers avec les mouvances politiques absentes aux assises de la Cité de l’Union africaine. D’où la mise en route laborieuse de la fameuse Transition, en dépit de la nomination déjà actée du Premier ministre censé conduire, jusqu’à avril 2018, le processus menant aux élections générales.

En tout état de cause, la situation post-dialogue paraît complexe, plus qu’elle ne l’était avant cette réunion sur laquelle les participants fondaient tous les espoirs. Les discours des acteurs majeurs de la scène Rd-congolaise, relayés par leurs partisans à travers les nombreux moyens de communication disponibles, les appréhensions exprimées de plus en plus vivement par les partenaires extérieurs de Kinshasa, renforcent le sentiment de peur généralisée qui entoure l’installation annoncée de la transition post-19 décembre.

Pour qui connait tout ou partiellement l’histoire de la RDC des vingt-dernières années, le climat actuel dans ce pays ressemble à quelque chose près à celui vécut en 2006. Au terme des Accords de San City (2002), en Afrique du Sud, entre le gouvernement et les rebellions tentaculaires qui écumaient l’ex-Zaïre, la date du 30 juin 2006 fut retenue comme celle de l’organisation des élections de sortie de crise. La Transition mise en place est alors cogérée par le président Joseph Kabila et ses trois vice-présidents : Jean-Pierre Bemba, Azarias Ruberwa et Arthur Zahidi Ngoma.

Il n’était pas évident que fractionnée par tant de conflits armés, la RDC puisse réunir de l’argent frais pour tenir les délais. Devant l’impasse, le « 30 juin 2006 » devenait la date au-delà de laquelle le Congo Kinshasa cesserait d’exister en tant qu’Etat si des élections n’étaient pas organisées. C’est exactement ce qui se passe ces jours-ci, si l’on en croit les alertes que donnent les chancelleries basées en RDC. Les élections n’eurent lieu, pourtant, que bien plus tard, au mois de décembre. Les parties avaient tenu le pari de refuser le suicide collectif.

Même si l’histoire racontée ci-haut date de 20 ans en arrière, au-delà des alliances conjoncturelles, des convictions réchauffées ou de la pression des dates butoirs, n’a-t-on pas le droit de construire quelque chose de solide dans les moments critiques que vit la RDC aujourd’hui ? A l’heure où les ingrédients pour transformer la querelle politique en un imprévisible tour de déchirements ne manquent pas, tirer la sonnette d’alarme ne paraît pas une simple opération de bon sens. Non, c’est un impératif pour la vie et la survie de ce grand pays d’Afrique centrale.

Pour sortir de cette anxiété partagée au-delà des frontières de ce pays, il faut que ses filles et fils, et en premier lieu ses dirigeants se montrent capables d’épurer les rancœurs, sublimer les clivages partisans et parler le langage de la franchise. Ce langage est celui du respect des dates butoirs, cela n’est pas contestable, mais il peut aussi être celui d’un compromis historique dans lequel la RDC passe avant toute chose.

Gankama N'Siah

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