René Ilume : « La mission sociale de l’Église ne doit pas entraver l’exercice du pouvoir politique »

Mardi 30 Janvier 2018 - 19:45

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La conférence de presse du président de la République, Joseph Kabila, le 26 janvier, n’a pas fini de provoquer des réactions.  Ambassadeur de la RDC à Juba, au Sud-Soudan, René llume, en séjour à Kinshasa, tient à faire retentir un autre son de cloche dans l’optique de recadrer à sa manière l’Église catholique. Dans un entretien exclusif à notre rédaction, il commence par s’opposer de manière farouche aux propos du rapporteur de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cénco) composée des évêques de l'église catholique du Congo.

« Le président de la République a été élu au suffrage universel direct, par la majorité de la population congolaise. Il a la légitimité de parler au nom du peuple. L’abbé Nshole n’a pas été élu par le peuple pour parler à la place des Congolais. Kabila est un élu du peuple, et la voix du peuple, c’est la voix de Dieu, Vox populi, Vox Dei disent les Latins », réagit d’emblée le diplomate congolais, se disant très déçu de la déclaration de l’abbé Nshole qui est un non évènement. Pour lui, le porte-parole de la Cénco, du reste théologien, n’a pas bien compris le sens de la déclaration du président de la République qui s’est référé à ce passage biblique. « À César, ce qui est à César, à Dieu, ce qui est à Dieu ». En se référant à cette phrase biblique, explique-t-il, « le président de la République voulait donner une meilleure interprétation théologique ».

 René Ilume, réagissant non pas comme diplomate mais comme un serviteur de Dieu, lui qui est aussi pasteur et berger, insiste « Si nous nous remettons dans le contexte biblique, le Seigneur Jésus Christ a fait cette déclaration en s’adressant au peuple d’Israël en tant qu’institution étatique et en tant qu’individu. En tant qu’individu,  Jésus voulait renvoyer Israël aux écritures pour signifier que celui qui a lutté avec Dieu et avec des hommes a été vainqueur (Genèse 32, 28). Cela veut dire qu’Israël, aujourd’hui un Chrétien, c’est celui qui a lutté avec Dieu et avec les hommes. Lutter avec Dieu, c’est observer tous les commandements que Dieu nous a prescrits, depuis Genèse jusqu’à l’Apocalypse. Et parmi ces commandements, il y a des commandements à caractère spirituel, social, économique, politique, environnemental, etc. ».

 Selon l'ambassadeur de la RDC à Juba, le président de la République voulait, par son message, rappeler à sa population majoritairement chrétienne qu’elle « doit en principe observer les commandements de Dieu en premier, ensuite respecter le pays et les institutions ».  Il a martelé que l’Église par définition est l’épouse de Jésus Christ. En tant que telle, elle doit demeurer fidèle aux instructions, commandements, lois, ordonnances, principes, préceptes et enseignements du maître, l’époux. « Et parmi ces enseignements, il y a l’amour et la paix, c'est-à-dire on ne doit qu’aimer tout le monde, y compris ses ennemis. L’Église doit être à côté de la population comme Jésus Christ qui était très proche de la population .», a argumenté René Illume.

Aussi croit-il que « le président Kabila veut que le peuple congolais puisse appliquer les commandements de Dieu pour aller au ciel ». René Ilume s’offusque : « Il y a déjà un calendrier électoral accepté par tous. Pourquoi ne pas attendre le 31 décembre 2018 ? On commence à organiser les marches pour perturber encore l’ordre institutionnel, le processus électoral, comme ce fut en 2011 lorsque l’Église catholique combattait la Commission électorale après l’organisation des élections». Le rôle d’une Église dans une société, pense-t-il, c’est de ramener les rebelles à la sagesse des justes, gagner des âmes pour le royaume des cieux.

L’appel à l’Église catholique et à la population…

Le diplomate se montre même alarmiste par rapport à l’action de l’Église catholique, dans le contexte de la bible, qui pourrait être considérée comme l’accomplissement de la prophétie de Jésus Christ. « Dans Mathieu 24, 18-19, il est écrit : ‘lorsque vous verrez l’abomination de la désolation dont a parlé le prophète Daniel établi en lieu saint…’. L’Église est un lieu saint, sacré, où on ne peut prêcher que l’amour et la paix parce que notre Dieu est un Dieu d’amour et de paix. Quand on commence à se servir de l’Église pour prêcher la haine et la violence, c’est cela l’abomination de la désolation dont a parlé le prophète Daniel et repris par l’apôtre Mathieu. », a-til commenté, avant de lancer un appel pathétique : « Que nos frères de l’Église catholique puissent se ressaisir, il est encore grand temps, nous ne sommes pas contre eux, nous les aimons, mais qu’ils cessent d’induire la population en erreur, car ce sont des malédictions sur le peuple et sur le pays pendant des générations. S’ils le fond en toute conscience, nous devons aussi nous lever pour dénoncer afin de ne pas subir des malédictions à cause d’eux. Le rôle de l’Église est d’annoncer et de dénoncer».

Il a conclu ses propos en ces termes : « La RDC est un pays béni, mais des ennemis viennent troubler les Congolais. Il suffit de respecter des commandements de Dieu, il va nous pardonner. Satan est entré dans certaines églises pour cacher des vérités aux Congolais afin que des bénédictions ne puissent pas s’accomplir. Mais elles s’accompliront parce que personne ne peut se dresser contre la volonté de Dieu ».

 

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

René Ilume, ambassadeur de la RDC au Sud-Soudan et serviteur de Dieu

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