Retombées de l’attaque du marché central : le gangstérisme urbain prend pied à Kinshasa

Samedi 15 Juillet 2017 - 17:45

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Il est temps que les autorités prennent la mesure du danger et renforcent le dispositif sécuritaire dans la ville afin de rassurer les Kinois qui ne demandent pas mieux.

La nouvelle de l’attaque du grand marché central de Kinshasa, le 14 juillet, continue à être commentée dans tous les sens. Depuis lors, les Kinois qui ont encore du mal à se remettre de leurs émotions réfléchissent par deux fois avant de gagner le centre-ville. La psychose toujours est perceptible dans le chef de la population. La grande ruée habituelle vers le marché central, l’un des grands pôles d’attraction de Kinshasa, a subitement pris un coup. Malgré une reprise timide des activités après l’attaque attribuée aux présumés éléments de Bundu Dia Kongo (BDM), les périmètres du marché central, de l’avenue du Commerce à Kasa-Vubu en passant par Kasaï et Rwankadingi sont désormais sous haute surveillance policière. En appoint, les éléments des Fardc sont aussi visibles à certains endroits comme pour prévenir d’autres attaques et rassurer la population apeurée.

Jusqu’à ce jour, aucun mouvement armé ni une structure politico-militaire n’a revendiqué l’attaque du grand marché de Kinshasa. Toutefois, de graves soupçons pèsent sur BDM au regard des dernières menaces de son leader qui, depuis son lieu de refuge, a promis via les réseaux sociaux de sévir contre le régime en place. En effet, depuis son escapade du 17 mai, le gourou demeure introuvable et des indiscrétions rapportent qu’il n’a jamais renoncé à son projet subversif de renverser le pouvoir en place. Connaissant le mode opératoire de ce mouvement magico-religieux, il va sans dire que BDM n’est pas étranger à l’attaque déplorée. Plusieurs témoins rapportent que les assaillants ayant fait irruption le 14 juillet vers 13 heures au bureau du marché ainsi qu’au poste de police qui le jouxte, étaient pour la plupart jeunes et débordant d’hystérie.

Bandeaux rouges autour de la tête et munis de fusil, couteaux et machettes, ils scandaient des slogans dont ils étaient seuls à en connaître la portée tout en lâchant au passage, venus libérer le pays. L’on se rappelle que lors de l’attaque de l’ex-prison centrale de Makala, des jeunes affichant la même physionomie étaient à la manœuvre. On les a vus également en action lors de l’attaque du commissariat de police de Kalamu et ailleurs. Quel est finalement l’objectif de cette horde des hors-la-loi ? pourrait-on s’interroger lorsqu’on sait qu’on ne peut prétendre renverser un pouvoir de cette manière, avec des attaques visiblement non coordonnées et non planifiées, sans réelle assise en termes d’effectifs et de moyens logistiques.

Pour le patron de la police/ville de Kinshasa, le général Célestin Kanyama, il s’agit ni plus ni moins que d’un groupe de voleurs et de criminels. « Ce sont des voyous, des voleurs, des criminels qui sont venus pour se ravitailler au niveau du grand marché par des moyens malhonnêtes. Ils se sont attaqués aux éléments de la police et ont volé les biens d’autrui. Ils ont été immédiatement repoussés. La situation est calme. La population peut se calmer. La police continue à faire son travail », a-t-il déclaré.  

Une chose est sûre, c’est que ces inciviques ont réussi, le temps d’un éclair, à mettre la ville sens dessus-dessous. Dans la foulée de l’affrontement entre les assaillants et les forces de l’ordre trouvées sur les lieux, l’administrateur du marché Brigitte Mongo et un sous-commissaire adjoint de la police ont été abattus à bout portant, sans oublier des blessés graves constatés dans les rangs des policiers pris par effet de surprise. On en a dénombré six qui ont vite été admis aux urgences à l’hôpital de référence de Kinshasa, à en croire le porte-parole de la police, le colonel Pierrot Mwanamputu. Lors des échanges de tirs, quatre prévenus en garde à vue ont profité pour casser l’amigo et se déverser dans la nature, a rapporté la même source. L’un deux a été maîtrisé par les éléments de la police qui ont récupéré un fusil d’assaut AKA-47 abandonné par les assaillants dans leur fuite au croisement des avenues Rwakadingi et Bakongo, a-t-on appris. L’on signale également l’incendie de deux postes de police dans la commune de Kinshasa et de Barumbu.

À tout prendre, ce qui s’est passé au grand marché est révélateur du climat malsain qui règne dans une ville de Kinshasa livrée à elle-même et où l’insécurité tend de plus en plus à prendre ses marques. Des hors-la-loi et autres évadés de prisons se sont désormais dilués dans la population et, sans état d’âme, multiplient des attaques armées qui n’ont d’égal que leur cynisme. Kinshasa n’est plus à l’abri du terrorisme urbain à l‘image d’autres grandes mégalopoles africaines. Il est temps que les autorités prennent la mesure du danger et renforcent le dispositif sécuritaire dans la ville afin de rassurer les Kinois qui ne demandent pas mieux. Dossier à suivre.

Alain Diasso

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