Rwanda-RDC : crise à la frontière commune

Jeudi 12 Juin 2014 - 18:11

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Les deux pays se renvoient la balle quant à la responsabilité de la reprise des combats.

Que se passe-t-il exactement au niveau village frontalier de Kanyesheza situé à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Goma et ses environs où sont signalés d’échanges nourris des tirs entre les armées régulières du Rwanda et de la RDC ? À en croire des sources locales, les timides escarmouches observées au début de cette « brouille » ont finalement viré, ces dernières heures, à un affrontement direct entre le deux armées. Des tirs à l’arme lourde ont été entendus de part et d’autre de la frontière jusqu’au milieu de la journée du 12 juin témoignant de l’intensité des combats. Il s’agit là des premiers incidents de cette ampleur à la frontière depuis la fin octobre 2013. Plusieurs centaines des personnes ont dû abandonner leurs habitations pour gagner des localités environnantes afin de se mettre à l’abri du danger. La situation est loin de se calmer. Le renforcement par les Fardc de leurs positions dans la zone des combats est un signe qui ne trompe pas. Chars et automitrailleuses seraient mis à contribution pendant que l’armée rwandaise, elle, est sur le pied de guerre. Ce qui présage sans doute d’autres accrochages.

La mort d’un caporal des Fardc de l’autre côté de la frontière serait l’élément détonateur de ces affrontements. Là-dessus, deux versions se contredisent. Côté congolais, il est fait état de l’enlèvement du militaire par les forces rwandaises à la suite d’une incursion sur le territoire congolais et de son exécution sommaire. Ce qui aurait conduit les Fardc, à la suite de cette mort, à traverser la frontière pour récupérer le corps du caporal. Côté rwandais, on explique que le soldat congolais en quête de nourriture au-delà de la frontière aurait ouvert le feu sur une position de l’armée rwandaise qui n’a fait que répliquer. En tout état de cause, ce fait a sérieusement dégradé la situation à la frontière entre les deux armées qui, depuis lors, s’observent en chiens de faïence. Kigali et Kinshasa se renvoient la balle quant à la responsabilité de cette reprise des hostilités. Pour les autorités congolaises, il s’agit là d’une énième provocation du Rwanda qui verrait d’un mauvais œil la reddition des ex-FDLR (présumés acteurs du génocide tutsis de 1994) et le processus de leur rapatriement dans leur pays d’origine. Aussi le régime rwandais, qui redoute le retour au bercail de ces rebelles hutus, chercherait-ils à entraver le processus en créant une situation trouble qui dissuaderait ces miliciens à regagner la brousse.

Une approche que ne partage pas Kigali qui, pour sa part, accuse les soldats des Fardc d'avoir franchi la frontière commune et d'avoir tiré sur une patrouille rwandaise. Ce qui a donné lieu à une riposte énergique des militaires rwandais. « Nous exhortons les autorités congolaises à cesser toute attaque contre le territoire rwandais. Le Rwanda se tient prêt à agir pour protéger ses citoyens », a déclaré la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, quelques heures après les faits. Par ailleurs, les sources officielles rwandaises font état de quatre morts parmi les soldats congolais en plus du caporal tué.      

La France appelle à la cessation immédiate des hostilités

La situation qui prévaut actuellement à la frontière commune entre le Rwanda et la RDC sur fond de belligérance préoccupe la France et l’Organisation des Nations unies qui n’ont pas manqué de réagir pour exhorter les deux parties à retrouver la voie de la raison. La France qui a réagi par l’entremise du porte-parole du Quai d'Orsay, Romain Nadal, appelle à la « cessation immédiate des hostilités ». Tout en réaffirmant son attachement à la mise en œuvre « complète et de bonne foi » de l'Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération dans la région des Grands lacs signé à Addis-Abeba le 24 février 2013, Paris se déclare très préoccupé par « la dégradation de la situation sécuritaire en République démocratique du Congo à la suite des combats en cours depuis le 11 juin dans le Nord-Kivu ». Et Romain Nadal d'ajouter :« Il est essentiel que les parties mettent tout en œuvre afin de faire baisser la tension, en vue d'une sortie de crise durable ». De leur côté, les Nations unies ont appelé les deux pays à faire preuve de retenue et à ramener la sécurité à leur frontière commune.             

Alain Diasso