Sangha : des populations n’ont pas accès aux services sociaux de base

Lundi 20 Octobre 2014 - 19:30

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La bonne mine du département de la Sangha et de son Chef-lieu, Ouesso, masque cependant des chiffres inquiétants de pauvreté. Ceci, malgré son développement économique qu'imposent sa position géographique et la présence des entreprises forestières. La Journée Internationale pour l’élimination de la pauvreté 2014 (JIEP), célébrée au Congo, a révélé de sévères dysfonctionnements à Ouesso.

Trois secteurs ont été épinglés au cours d’un échange organisé pour la circonstance pour définir l’état de pauvreté dans ce département frontalier du Cameroun, du Gabon et de la République centrafricaine. Réfléchir sur les solutions aux problèmes que vivent les personnes pauvres au quotidien, tel était le but de la conférence tenue au siège de la préfecture, en présence de la ministre de la Promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement et du représentant du PNUD au Congo.

« La pauvreté est la quasi impossibilité d’un individu, d’une communauté de se satisfaire des besoins fondamentaux », a expliqué, d’entrée de jeu, Raphael Lebikou, directeur départemental du Plan de la Sangha. « La pauvreté ne regarde pas seulement l’aspect argent. La référence au bien matériel et à l’accès difficile aux biens sociaux de base revêt le caractère multidimensionnel de la pauvreté », a-t-il expliqué avant de dresser un tableau sombre du département.

Se basant sur l’enseignement, la santé et sur l’accès aux services tels l’électricité et l’eau, il ressort que le taux de pauvreté dans la Sangha avoisine les 58,8% alors qu’au niveau national ce taux se situe à 46,5%. Dans le secteur de l’éducation, le taux d’alphabétisation est de 66,9% contre 91% au niveau national. L’accès à l’école primaire est difficile. C’est ce qui explique le faible taux de scolarisation qui se situe à 82,3% alors qu’au niveau national il est de 98%. Au regard de ce tableau, on comprend que plus de 20% d’enfants ne sont pas scolarisés dans le département de la Sangha, même si le taux net d’accès au secondaire est de 35,6%. Même à ce taux, il est encore plus faible.

Si le secteur de l’éducation n’augure pas de perspectives alléchantes, la santé n’est pas dans une situation satisfaisante. Plus de la moitié de la population de la Sangha éprouve des difficultés énormes pour accéder aux soins de santé. Soit 47,7%. La mauvaise gouvernance des programmes, l’insuffisance quantitative et qualitative des structures sanitaires et éducatives sont pointées comme causes.

Comment renverser la situation ?

Les conférenciers ont évoqué le Plan national de développement (PND) 2012-2016 avec un accent particulier sur le renforcement du processus de décentralisation. Il s'agit par exemple de renouveler les Conseils départementaux et municipaux. « Sur ce dernier point, une équipe d’experts nationaux sera mise en place d’ici à la fin de l’année pour accompagner les collectivités locales à se doter de plans de développement et des cadres de dépenses pluriannuelles qui s’arriment au PND et qui tiennent compte des spécifiés locales », a dévoilé au nom du ministre d’Etat, Catherine Embondza Lipiti. 

La célébration à Ouesso de la JIEP 2014 sur le thème « Ne laisser personne de côté : réfléchir, décider et agir ensemble contre la misère », coïncide avec les préparatifs du 55ème anniversaire de l’indépendance nationale couplé à l’édition 2015 du programme de municipalisation accélérée de la Sangha. Dans ce cadre, le département devrait bénéficier d’infrastructures importantes pour corriger ces maux.

« La journée offre donc l’opportunité de réfléchir sur les sources de croissance inclusive d’une part et, de faire le plaidoyer pour accélérer l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement au niveau national, d’autre part », relève le discours de circonstance du ministre d’État, de l’Économie, des finances, du plan, du portefeuille public et de l’intégration.

Pour le représentant résident du PNUD au Congo, dont l’institution participe depuis 11 ans à l’organisation de la Journée avec le gouvernement du Congo, il s’agit de combattre « ce fléau et construire un monde sans laissés-pour-compte ». Reprenant la déclaration du Secrétaire général de l’ONU, il a glissé quelques chiffres soulignant que « dans les régions en développement, 1,22 milliard d’êtres humains vivent avec moins de 1,25 dollar par jour, soit moins de 500 FCFA par jour, et 2,4 milliards avec moins de 2 dollars par jour ».

Des chiffres alarmants que le gouvernement du Congo souhaite améliorer en renforçant et en améliorant la qualité de l’investissement dans le domaine de la santé, de l’eau, de l’énergie, de l’éducation de base et de la formation professionnelle. Pour le directeur général du Plan et du développement, Jean Christophe Okandza, « Le premier livre est le Document de Stratégie pour l’Emploi, la Croissance et la Réduction de pauvreté. Celui-ci présente, une synthèse intégrée des politiques et stratégies sectorielles à moyen terme, que le Congo entend mettre en œuvre pour concrétiser la vision du Président explicité dans le Chemin d’Avenir » 

Environ 2 millions de Congolais sont pauvres malgré une croissance séduisante

Selon des chiffres institutionnels, la croissance économique de 3,6% en 2004 a progressé de 5,6 en moyenne annuelle de 2005 à 2013. À en croire le ministère de l’Économie et des finances, en 2014, les prévisions de croissance du PIB s’établiraient à 7,1% dont 8% dans le secteur hors pétrole selon les indices commun avec le Fonds monétaire internationale. Dans cette embellie, on note des avancées importantes dans la gouvernance selon des chiffres concordants. L’incidence de la pauvreté est tombée à 46,5% contre 50,7% en 2005, le taux d’alphabétisation des 15 à 24 ans a atteint 88,4% en 2011 contre 80,4% en 2005. Dans le secteur de la santé, le taux de mortalité maternelle a été réduit à 426 décès pour 100.000 naissances vivantes en 2011 contre 781 en 2005. Quoique l’eau reste encore rare dans plusieurs villes du pays, la proportion de la population ayant accès à l’eau potable est passée de 58,1% en 2005 à 76,4% en 2011, souligne le ministère de l’économie et des finances.

Quoiqu’alléchantes, ces performances sont en-deçà des résultats attendus en termes de réduction de la pauvreté qui touche encore près de 1900.000 de Congolais. Les tendances observées dans la mise en œuvre des OMD révèlent la persistance des inégalités entre le milieu urbain et le milieu rural, souligne la même source. L’enquête congolaise auprès des ménages 2011, précise par ailleurs qu’environ 76% des personnes en milieu rural vivent encore sous le seuil de la pauvreté.  À peine 16,9% ont accès à l’eau potable, 6,8% à l’électricité et moins de 1% des personnes vivant en milieu rural a accès à un système d’assainissement sain.

En 2015, annonce le ministre d’État, ministre de l’Économie et des finances, la politique du gouvernement sera focalisée conformément au PND 2012-2016. Dans le même élan, il se poursuivra la construction des hôpitaux généraux, le projet « Eau pour tous », l’accélération du programme de diversification de l’économie, la construction des routes d’intérêts communautaire et le développement de l’arrière-pays…

La célébration de la JIEP 2014 à Ouesso a donné lieu à plusieurs activités, dont un concours de dictée organisé par le PNUD. Le challenge a mis aux prises des élèves du primaire, du secondaire et du lycée, à l’école Michel Guembela. Les gagnants ont bénéficié de kits scolaires. L’objectif, a souligné Jean Christophe Okandza, est de lutter contre l’analphabétisme qui est aussi source de pauvreté. Un match amical a également opposé Cara de Ouesso contre Jeunesse Sportif de Mbama. La deuxième équipe a remporté le trophée remis par le préfet de la Sangha. 

 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

1- le centre de la ville de Ouesso, après une pluie. 2- le marché dit "Hydro Congo" au bord de la rivière la Sangha 3- les officiels lors de la célébration solennelle de la JIEP