Sculpture : « Le Congo bourgeonnant » selon Aimé Mpane

Lundi 16 Décembre 2019 - 12:45

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Œuvre emblématique de l’AfricaMuseum depuis la réouverture, pour son auteur, la tête découpée en profil qui a pris la place du buste de Léopold II dans la rotonde évoque l’avenir meilleur de son Congo natal exempt de tout discours culpabilisant.

 Aimé Mpane devant Nouveau souffle ou le Congo bourgeonnant (J. Van de Vijver © MRAC)« Mon idée, lorsque j’ai pensé à réaliser "Le Congo bourgeonnant", n’était pas de s’attarder sur toutes ces réflexions très pessimistes où l’on se culpabilise et se pointe du doigt les uns, les autres. Cela ne m’intéressait pas. Je visais plutôt de livrer un message positif qui soit tourné vers le futur. Dès lors, au lieu de montrer un Congo à problèmes, j’ai pensé à un Congo d’espoir, un Congo résolument tourné vers le futur », a expliqué au Courrier de Kinshasa Aimé Mpane.

La délicatesse du sculpteur va plus loin, en créant une œuvre monumentale qui soit en adéquation avec la rotonde, le prestigieux espace qui l’accueille depuis décembre 2018. « Je tenais à ce que la pièce n’agresse pas l’architecture, d’où j’ai pensé à réaliser des grilles qui renvoient aussi à l’image des grilles en bois des négriers, ces navires qui servaient au transport des esclaves. J’ai voulu lui donner cette apparence qui renvoie au passé lié à l’esclavage et la colonisation mais je l’ai détournée pour passer un message qui n’est ni négatif ni triste », nous a-t-il confié.

D’ordinaire, «J’aime bien utiliser des petits codes, des petites symboliques dans mon travail », a précisé Aimé Mpane. Avec "Nouveau souffle" ou "Le Congo bourgeonnant",  il n’a pas dérogé à la règle. La symbolique est dans la forme. « J’ai découpé une tête en profil qui n’a pas les yeux ouverts mais dont le regard est tourné vers l’avenir », a-t-il expliqué, même s’il évoque aussi des raisons de commodité. « Une tête, c’était facile à poser à cet endroit-là », a-t-il souligné, évoquant aussi le choix des matériaux. La sculpture atypique n’est pas en bois par hasard. « Ce matériel naturel est vivant », a-t-il laissé entendre, poursuivant qu'il repose sur une base en bronze non sans raison.

« L’idée était de la placer dans la rotonde, en pleine lumière, de sorte que le visiteur qui la regarde commence par le bas où repose une flaque en métal qui est froide mais semble couler vers la couronne du roi Léopold II dessinée dans le marbre alors que le bois dont est faite la tête est chaud. C’est l’énergie du métal qui pousse le visiteur à élever son regard pour la voir mise en évidence alors qu’elle monte dans le bois et bourgeonne pour donner des idées positives, inspirer de bons projets au long terme », a signifié l’artiste enthousiaste.

« J’ai voulu montrer un regard bourgeonnant des deux côtés à l’idée des relations paisibles », a-t-il renchéri, convaincu que « la pénible histoire de la colonisation, cette blessure, ne touche pas que les Africains, surtout les Congolais, comme on le croit ». Et d'indiquer : « Même si l’on a largement développé la politique de culpabilisation, je crois que ce problème touche tout le monde ». Dès lors, l’artiste a jugé plus opportun d’engager toutes les parties dans un discours réconciliant plutôt que diviseur. « J’ai trouvé qu’il serait intéressant de transmettre un message qui invite tout le monde à un dialogue et de prévoir un meilleur avenir », a-t-il commenté dans un rire joyeux.

Plutôt restaurer que réparer

« La sculpture du Congo bourgeonnant est l’expression de la pensée qui bourgeonne mais elle n’est pas finie. J’en réalise une autre qui sera en dialogue avec celle qui est dans la rotonde. Elle est dans la même perspective que la première car j’estime que le problème de la colonisation touche les Congolais d’une part et de l’autre les Européens, particulièrement les Belges. C’est de l’ordre de l’inconscient collectif. Aussi, je ne conçois pas, je ne vois pas pourquoi l’accent doit être mis sur la réparation », a soutenu le sculpteur.

Nourri par cette conviction, il a souligné : « Depuis un moment, je fais un travail qui me pousse à dire qu’il faut aller plus loin que la réparation car une fente réparée réapparaîtra. Je préfère à cela une restauration qui se fait en profondeur, à la racine, elle change tout  ». Et de conclure : « Dans la perspective de restauration, l’on a aussi besoin des autres, il faut se mettre ensemble pour le faire. Aussi, lorsque le musée m’a demandé de continuer la pièce, j’ai pensé à inviter un artiste belge avec qui l’on va travailler sur le propos. Nous allons mettre d’autres couches comme des voiles sur la structure existante pour créer une autre mémoire. Ce serait intéressant de creuser dans cette mémoire universelle et reposer des couches, recréer encore sur cette pièce afin de lui redonner une autre lecture ».

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Aimé Mpane devant "Nouveau souffle" ou " Le Congo bourgeonnant" / J. Van de Vijver © MRAC

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