Selon Daniel Owassa, « les relations sino-congolaises se développeront davantage les prochaines années »

Jeudi 20 Février 2014 - 12:44

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En poste en République populaire de Chine depuis deux ans comme ambassadeur de la République du Congo, Daniel Owassa se montre optimiste quant à l’avenir des relations politiques et économiques entre les deux pays. Analysant de l’intérieur le regard porté par la Chine sur l’Afrique, le diplomate congolais s’est félicité, à l’orée du cinquantenaire de l’amitié sino-congolaise, de la fructueuse coopération entre les deux pays

 Les Dépêches de Brazzaville : Présent en Chine en qualité d’ambassadeur, quel regard portez-vous sur ce pays ?

Daniel Owassa : Question ouverte qui appelle une réponse aussi générale. La Chine est un grand pays, pour ne pas dire un très grand pays, que vous preniez sa superficie, 9 596 961 km2, ou sa population, plus d'un milliard d'habitants.

LDB : Les cinquante ans de l’amitié sino-congolaise seront célébrés le 22 février 2014. Quelle signification donnez-vous à cet anniversaire ?

D.O. : Il y a sans doute le faible que la communauté des humains éprouve vis-à-vis des chiffres ronds ou semi-ronds et c’est pour se conformer à cette tradition que les présidents Xi Jinping de la République populaire de Chine et Denis Sassou N’Guesso de la République du Congo avaient convenu, lors de la visite du chef de l’État chinois en République du Congo au mois de mars 2013, de célébrer ce cinquantième anniversaire avec un éclat particulier. Je crois comprendre que deux amis sincères saisissent là une occasion pour se réjouir et se féliciter de la qualité des relations qui unissent depuis cinquante ans la Chine et le Congo. Quoi de plus normal que cela se passe au lendemain de l’historique visite au Congo du président Xi Jinping, la toute première d’un chef d’État chinois dans notre pays ? Tout un symbole, j’allais dire.

LDB : Comment envisagez-vous l’avenir des relations sino-congolaises ?

D.O. : Je les vois se développer davantage les prochaines années, beaucoup plus sur les plans diplomatique et économique, à l’image de ce qu’elles sont aujourd’hui, que sur l’axe idéologique auquel les derniers développements politiques enregistrés dans les deux pays ont fait perdre son importance. Dans tous les cas, côté chinois, vous ne sentez pas de velléité d’exportation de « son socialisme », qui se veut propre et adapté à la réalité chinoise. Les deux pays étant par ailleurs respectueux des principes de souveraineté et de non-ingérence, j’exclus, à court terme tout au moins, un quelconque rapprochement idéologique entre les deux pays qui s’entendent pourtant bien sans idéologie, même si, il faut le rappeler, ils étaient tous les deux par le passé engagés dans la voie du communisme.

LDB : Vous qui observez la Chine de l’intérieur, quel est l’élément déclencheur de la mutation qui s’est opérée en Chine pour qu’elle bascule vers l’économie de marché ?

D.O. : Je ne sais pas s’il y a lieu, comme dans une forme de déterminisme, de trouver un élément déclencheur de la mutation dont vous parlez. Je crois comprendre qu’il s’est agi d’un choix politique et souverain de la Chine, sous l’impulsion de Deng Xiaoping. C’est ce que l’histoire de ce pays ami semble retenir. Le Parti communiste chinois retient d’ailleurs aujourd’hui comme repères de son action l’édification du « socialisme à la chinoise », le marxisme-léninisme, la pensée de Mao Zedong, la théorie de Deng Xiaoping, le concept de développement scientifique. C’est en fait à « la théorie de Deng Xiaoping » que nous devons ce choix révolutionnaire qui a mis, prudemment et progressivement, la Chine sur la voie de l’économie de marché dont on peut se féliciter aujourd’hui des résultats.

LDB : Vous rencontrez les plus hautes autorités chinoises. Quel est leur regard vis-à-vis de l’Afrique en général et du Congo en particulier ?

D.O. : Vis-à-vis de l’Afrique, on peut dire que la Chine porte un regard très attentionné. Le forum Chine-Afrique, sous-tendu par le principe gagnant-gagnant, peut servir valablement d’illustration de tout l’intérêt que la Chine et ses dirigeants accordent de nos jours à l’Afrique après la guerre froide qui partageait notre continent en pays sous influence des puissances ou blocs derrière lesquels les uns et les autres étaient alignés.

À l’égard du Congo, on note aussi le même intérêt, doublé de la conscience qu’il s’agit ici de deux vieux amis qui n’ont pas attendu les jours heureux pour se lier d’amitié. Le temps passé ensemble (cinquante ans) et la constance dans l’amitié semblent être, dans le cas du Congo, les éléments qui font la petite différence avec beaucoup d’autres pays.

LDB : Comment les dirigeants réagissent-ils lorsqu’on les qualifie de néo-colonisateurs cherchant à passer par des aides pour continuer à piller les ressources africaines ?

D.O. : Je crois que, généralement, les leaders chinois s’efforcent de se concentrer sur ce qui est essentiel, c’est-à-dire, dans ce cas précis, le renforcement du partenariat qui lie leur pays à l’Afrique suivant le principe gagnant-gagnant. Nous pouvons, à la suite du président Denis Sassou N’Guesso lors du banquet offert en l’honneur de son homologue chinois en mars 2013, nous interroger également : « quel colonialisme, quel néo-colonialisme ? ». Je parie que si c’était le cas, certains pays africains se seraient déjà retirés du forum Chine-Afrique qui semble plutôt se renforcer d’année en année, cette Chine à qui certains font en même temps le reproche d’accorder des aides à l’Afrique sans condition.

LDB : S’il y a un secret que vous avez pu percer du leadership chinois, quel serait-il ?

D.O. : Un secret, qui aurait alors cessé de l’être, je ne crois pas le connaître. Je sais seulement que, de manière pragmatique, sous la houlette du Parti communiste chinois, la Chine se donne les moyens de son développement économique et social, en se fondant sur le marxisme-léninisme, la pensée de Mao Zedong, la théorie de Deng Xiaoping, la pensée de la triple représentation et le développement scientifique. C’est cet ensemble qui sert de boussole au leadership chinois qui sait où il doit conduire le peuple. Et avec son drapeau rouge, la Chine fait aujourd’hui partie des pays les plus fréquentables et fréquentés au monde.

LDB : Cinquante ans après, quel bilan dressez-vous de la coopération sino-congolaise ?

D.O. : Nous pouvons légitimement parler d’un bilan largement et globalement positif. La petite réflexion que je me fais personnellement est la suivante : imaginons un instant où et que serait le Congo avec dix partenaires comme la Chine cinquante ans après...

La Rédaction

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Daniel Owassa. Photo 2 : Daniel Owassa et le ministre des Affaires étrangères, Basile Ikouebé, à l'ouverture du cinquième Forum sur la coopération sino-africaine, le 19 juillet 2012 à Beijing, en Chine. (© Adiac)