Serguei Ouattara : industrialisation et renouveau du partenariat UE-Afrique

Dimanche 30 Mars 2014 - 7:15

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Avec un taux de croissance dépassant les 5%, l’Afrique, décrite comme un vivier d’opportunités, semble être, enfin, en position de force. Cependant, si ces chiffres ont de quoi susciter l’envie d’autres régions du globe, ils n’éclipsent en rien les réalités et la précarité qui existent encore sur le continent

Serguei OuattaraSerguei Ouattara est le président de la chambre de commerce Europe-Afrique à Bruxelles qui a ouvert ses bureaux à Bruxelles en octobre 2012. Cette initiative a été lancée par de jeunes professionnels de la diaspora africaine actifs dans le secteur privé européen. L’objectif est de créer la culture et l’environnement favorable aux affaires dans de nombreux pays africains par le renforcement du secteur privé africain tout en ouvrant des opportunités pour le secteur privé européen d’étendre sa zone d’exploitation et de partager son expertise.

Ainsi, les louanges des uns se heurtent au scepticisme des autres. Quoi qu’il en soit, des afro-pessimistes aux afro-optimistes, tous s’accordent à dire que la conjoncture actuelle est favorable à l’Afrique, et les acteurs du renouveau ont donc une occasion importante de poser les actes nécessaires.

L’industrialisation comme pierre angulaire du développement

Parmi tous les leviers de développement à disposition de l’Afrique, l’industrialisation est sans doute celui qui pourra donner des résultats probants. En effet, seule une transformation structurelle de l’industrie peut permettre à l’Afrique d’avoir une croissance soutenue. Aujourd’hui, l’Afrique doit rattraper le retard accumulé dans ses activités manufacturières. Et, celles-ci, porteuses de valeur ajoutée, sont pourvoyeuses d’emplois et permettraient de consolider la croissance, la rendant moins dépendante de facteurs externes.

Déjà en 2011, le rapport du Cnuced, « Promouvoir le développement industriel en Afrique dans le nouvel environnement mondial », préconisait d’opter pour des politiques d’industrialisation telles que le soutien aux entreprises, l’instauration de relations efficaces entre celles-ci et l’État. L’entreprise doit, en effet, être centrale dans tout processus de développement, car même si les obstacles sont nombreux, notamment la faiblesse des infrastructures, des politiques ambitieuses et cohérentes (en termes de climat d’affaires, de financements, d’investissements et en soutenant le secteur privé) feront naître les progrès. Ainsi, des entreprises africaines plus fortes génèreront davantage d’emplois pour les jeunes qui, on le sait bien, sont toujours plus nombreux aux portes du marché du travail.

Ensuite, la dynamique commerciale intra-africaine pourra se consolider, et enfin les entreprises seront plus compétitives sur les marchés internationaux. Par ailleurs, un tissu industriel africain croissant pourrait être synonyme d’augmentation des recettes fiscales pour les États. Recettes qui ensuite pourraient être réinvesties dans d’autres secteurs consolidateurs de croissance, tels que l’éducation, le développement des infrastructures, etc. À terme, les États pourraient donc progressivement s’affranchir des aides extérieures.

Repenser le partenariat UE-Afrique

Le sommet UE-Afrique est l’occasion de marquer un réel tournant dans le partenariat entre les deux continents. À ce sujet, lors de rencontres préliminaires au sommet – la stratégie conjointe UE-Afrique a organisé une série de rencontres rassemblant les acteurs de la société civile africaine et européenne afin d’établir une série de recommandations qui seront soumises lors du sommet – j’ai souligné plusieurs aspects que pourrait intégrer ce « nouveau partenariat » : doter les entreprises africaines de capacités productrices et renforcer la formation technique et universitaire devraient être aussi au centre du partenariat.

J’ai plaidé pour la mise en place d’indicateurs de performance pour mesurer l’impact des décisions qui seront prises. Il était aussi essentiel d’insister sur l’importance d’impliquer la diaspora au sein du partenariat. En effet, une diaspora qualifiée est un atout supplémentaire pour le secteur privé des deux continents par sa compétence, mais aussi par sa double culture. Enfin, j’ai saisi l’occasion pour souligner qu’en termes de partenariat d’égal à égal, il était primordial que les deux parties expriment de manière explicite leurs intérêts. En effet, les intérêts européens ont été peut-être trop peu mentionnés.

Serguei Ouattara