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Simon Pierre Kikhounga Ngot

Jeudi 16 Avril 2015 - 19:40

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8 avril 1920 – 8 avril 2015. Étrange coïncidence ! Né un 8 avril à Maboukou (Niari), il est mort un 8 avril à Paris (France). C’est grâce à mon aîné Patient Bokiba, hasard ou préscience, que je me suis aperçu, il y a quelques semaines, que Simon Pierre Kikhounga Ngot était le ministre ou ancien ministre vivant, le plus âgé de notre pays. Hélas ! À 95 ans précis, l’« ancien », le « doyen » quitte la scène de la vie, après y avoir joué, tant bien que mal, son rôle.

Sténodactylographe de formation, Kikhounga Ngot est un dirigeant actif de l’Union des Syndicats de Dolisie. Son entrée en politique se produit au moment de  son élection en qualité de conseiller territorial du Niari, sur la liste du Parti progressiste congolais. Comme d’autres transfuges du Ppc, Simon-Pierre Kikhounga Ngot quitte le parti de Félix Tchicaya. Il se retrouve, lui, au Msa ; ce qui ne l’empêche pas de créer son propre parti politique dénommé Groupement pour le progrès économique et social (Gpes). Homme politique pugnace, il est d’une opposition ferme à Fulbert Youlou, objet de percutantes saillies verbales. En 1957, il réussit à battre Pierre Goura, autre grande figure politique de Dolisie, donnant ainsi la majorité au Msa. Dans l’équipe gouvernementale de Jacques Opangault, vice-président du gouvernement du Territoire du Moyen-Congo, il obtient le portefeuille de ministre des Affaires économiques. Mais en 1959,  battu par l’Uddia, il est, par la suite, arrêté dans l’affaire du « complot communiste ».

Malgré de profondes rivalités entre les hommes politiques, la recherche d’un vivre ensemble apaisé a été une constante de la vie politique chez nous. Réhabilité par l’abbé Fulbert Youlou, président de la République, Kikhounga Ngot entre au gouvernement au poste de ministre des Affaires économiques. Il devient ensuite ministre du Commerce.

Simon Pierre Kikhounga Ngot est le phénix de la politique congolaise. Pour preuve, après la chute de Youlou, il apparaît un moment au Cnr (Conseil national de la Révolution) en 1968, avant d’en être éjecté au cours de la même année. Plus de vingt ans après, il est présent à la Conférence nationale souveraine en 1991. Il est  troisième vice-président de cette grand-messe politique. Après l’élection de Pascal Lissouba en qualité de président de la République, il est dans le cénacle de ses conseillers. À Poto-Poto, entre les rues Bakota (son domicile) et  Haoussa (celui de son épouse), où il passe le plus clair de son temps, Simon Pierre Kikhounga Ngot était un personnage familier.

Au moment où le Congo vit un « passage » d’épilepsie politique, que peut-on retenir de cet exemple de longévité en politique ? Kikhounga Ngot par son verbe impétueux, souvent destructeur, n’est pas sans nous rappeler certains opposants d’aujourd’hui au verbe guerrier. À la différence de nos opposants actuels, sous l’influence de son mentor, Jacques Opangault, il a souvent, nolens volens, joué la carte du compromis politique comme l’exigeait la pratique politique de l’époque. On se souvient qu’au sortir de la guerre de 1959, stupide, comme peuvent l’être toutes les guerres, Youlou et Opangault, en dépit des conflits homériques qui entachaient leurs relations, entreprennent le « voyage de l’unité », pour bien montrer aux populations que le Congo est plus important que leurs querelles de chapelles. Ces grands hommes ont donné, jusqu’à leur chute, en 1963, l’exemple citoyen d’une coexistence politique apaisée qui leur confère une dimension historique. Cette merveilleuse dignité mérite respect et devrait inciter les politiques d’aujourd’hui à davantage d’humilité. Ces derniers, ont, hélas, une revanche personnelle à prendre contre le président actuel, comme le montrent leurs malices politiciennes et, pour cela, ils sont, sans l’ombre d’un scrupule, prêts à tout. Même au  reniement de leurs propos. Avec un aplomb désarmant, ils émettent des contrevérités relayées par les radios étrangères. Leur insoutenable légèreté les disqualifie. Ils  jubilent en dépit du manque d’épaisseur polémique de leurs déclarations démagogiques. Ce qui est effarant, malgré tout, c’est leur constance dans l’illusion alors que la politique est pragmatisme.

Autrefois, la politique était autre chose que cette foire d’empoigne qu’elle est de nos jours. Kikhounga Ngot, en quittant la scène de la vie, nous laisse sa trajectoire politique complexe comme objet de réflexion pour nous aider à penser l’avenir, notre avenir.

MFUMU

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Édition Quotidienne (DB)

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