Sommet extraordinaire de la CEEAC : Michel Djotodia sur la corde raide ?

Mardi 7 Janvier 2014 - 19:53

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L’actuel président centrafricain de transition, Michel Djotodia, survivra-t-il au sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) convoqué pour le 9 janvier à N’Djamena, au Tchad ? Au point où en sont les choses, on peut spéculer, car près d’une année après sa prise du pouvoir par les armes, non seulement la situation dans son pays n’a fait qu’empirer, mais les partenaires de la Centrafrique doutent de plus en plus des capacités de l’ex-chef de la rébellion de la Séléka à conduire la transition jusqu’à son terme

De source informée, la CEEAC, organisation tutélaire de la transition en cours en Centrafrique, profitera du sommet qui s’ouvre dans la capitale tchadienne pour faire un point complet des engagements pris par les acteurs politiques de ce pays. Elle y dressera un bilan annuel assorti de points qui seront distribués aux uns et aux autres, notamment aux trois têtes d’affiche que sont le président Djotodia, le Premier ministre Nicolas Tiangaye, et le président du Conseil national de transition, Alexandre Nguendet.

L’idée, ajoute-t-on, est de parvenir à un large consensus autour duquel les Centrafricains de tous horizons se retrouveront pour réapprendre à se parler. Les partis politiques, la société civile, les confessions religieuses, la diaspora, les ex-Séléka, les anti-Balakas, les pro-Bozizé, etc. voilà autant de forces vives de la nation centrafricaine ébranlée que la CEEAC voudrait associer au nouveau dialogue qui doit s’instaurer dans ce pays. C’est assurément dans cette perspective que le Tchad, qui assure la présidence en exercice de l’organisation sous-régionale, et qui siège au Conseil de sécurité depuis le 1er janvier, demande à l’instance onusienne de laisser l’Afrique centrale poursuivre son expérience en Centrafrique à travers la Misca.

On pourrait se poser la question de savoir ce qui se passerait sur le terrain si la CEEAC retire sa confiance à l’équipe dirigeante de la transition et notamment à Michel Djotodia. D’après certaines indiscrétions, ce ne sera pas un boulevard ouvert pour le retour aux affaires de l’ancien président François Bozizé. Au contraire, ce dernier, comme tous les autres dirigeants, devrait s’inscrire dans la dynamique de la réconciliation nationale. S’il rejoue la revendication de sa légitimité perdue du fait du coup d’État du 24 mars 2013, il risque de mal s’y prendre d’autant qu’on attribue l’enchaînement des violences enregistrées en Centrafrique à son activisme ou à celui de ses proches.

Son successeur n’est pas non plus épargné par ces analyses qui le rendent responsable des exactions perpétrées par les ex-Séléka depuis une année. La CEEAC pourrait-elle peut-être les renvoyer dos-à-dos, de telle sorte qu’ayant plus ou moins péché, ils laissent gérer la transition par des hommes nouveaux, sans contentieux avec la population centrafricaine, et qui bénéficieraient en même temps de la pleine confiance des partenaires extérieurs et des pays de la CEEAC.

On estime, par ailleurs, qu’une résistance venant des deux hommes ou de leurs lieutenants contre la CEEAC serait suicidaire d’autant que personne parmi eux ne dispose de moyens, mêmes dérisoires, pour assurer ne fut-ce que les urgences de première nécessité à leurs compatriotes. Le pouvoir pour le pouvoir, cela ne servira à rien si, en plus, on est isolé sur la scène nationale, sous-régionale et internationale. C’est bien évidemment la position de Michel Djotodia aujourd’hui que des manifestations hostiles de Banguissois, désemparés et désespérés, appellent depuis quelques semaines à la démission.

En marge du sommet de l’Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique, les 6 et 7 décembre à Paris, en France, une première alerte en avait été donnée par la voix du président français, François Hollande. L’hôte du sommet considérait en effet que Michel Djotodia avait été incapable à la fois de prévenir des massacres dans son pays et même de les faire cesser.

Chaque jour qui passe, des massacres supplémentaires sont perpétrés en Centrafrique, des tueries interconfessionnelles font rage, la crainte du génocide enfle, le pays se vide de ses habitants, les étrangers qui en avaient fait leur deuxième patrie retournent chez eux par convois entiers, les forces extérieures venues à son secours sont prises à partie par des miliciens incontrôlés, ses voisins sont inquiets. Bref, un cocktail explosif qui mérite d’être désamorcé et le plus vite possible. La meilleure façon qui soit est sans doute de poser cartes sur table et de situer les responsabilités. Ce que la CEEAC va certainement tenter de faire à N’Djamena ce 9 janvier.

Gankama N'Siah