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Sur le devoir de réparation

Samedi 16 Mai 2015 - 14:00

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Lentement mais sûrement, les pays qui placèrent l’Afrique sous leur joug afin d’exploiter ses richesses humaines et matérielles en viennent à reconnaître les crimes sans nom qu’ils commirent, ou laissèrent commettre pendant plusieurs siècles. Après avoir longtemps nié les drames provoqués sur toute l’étendue du continent par la traite négrière puis par la colonisation, ils admettent, non sans mal, que l’une comme l’autre ont infligé aux peuples africains des dommages irréparables. Et s’ils refusent de se repentir en invoquant le fait que les générations présentes ne sauraient être tenues pour responsables des actes innommables commis par les générations antérieures, ils ne sont plus très loin d’admettre qu’un devoir de réparation s’impose à eux.

Si on lit entre les lignes les discours que tiennent à ce propos les plus hauts responsables occidentaux – à commencer par François Hollande et Barack Obama –, c’est bien ce changement majeur que l’on voit se dessiner par petites touches dans le comportement des puissances qui ont bâti leur fortune sur l’asservissement de l’Afrique. Trop longtemps niées par ceux là mêmes qui s’enrichirent sur la misère du Tiers-monde, les conséquences humaines, sociales, économiques de ce servage – le cas de l’assaut irrésistible que mènent sur l’Europe les migrants venus du Sud – commencent à être perçues dans leur véritable dimension. Et cette perception conduira, dans les années à venir, les pays riches à se préoccuper enfin sérieusement d’aider les pays pauvres à émerger.

Le problème qui se posera inévitablement dans ce nouveau contexte est celui de la forme que prendra la coopération Nord Sud – Sud Nord si l’on veut que les plaies ouvertes dans les siècles précédents se referment effectivement et que l’Europe comme les États-Unis réparent leurs crimes passés en apportant aux peuples africains l’appui qui leur permettra de franchir rapidement l’étape décisive du développement durable.

Alors que va se tourner inévitablement cette nouvelle page de l’Histoire, le seul conseil que l’on puisse donner à celles et ceux qui s’y emploieront est de commencer par dresser le bilan exact des actes commis dans les siècles antérieurs. Jusqu’à présent, en effet, aucun véritable état des lieux n’en a été établi, ni par les peuples dominateurs, ni par les peuples asservis. Et sans cet état des lieux, qui devra être dressé régions par régions – Afrique du nord, Afrique occidentale, Afrique centrale, Afrique orientale, Afrique australe –, il sera impossible de formuler des propositions sérieuses.

En dépit des troubles économiques qu’ils connaissent, les peuples occidentaux ont très largement, aujourd’hui, les moyens de rendre aux peuples africains ce qu’ils leur ont pris par la force depuis le début du quinzième siècle. Encore faudrait-il, pour qu’ils s’y emploient, que les seconds aient une idée précise de ce qu’ils veulent et peuvent obtenir.

Est-il irréaliste, dans ces conditions, d’imaginer que s’ouvre une réflexion approfondie sur le sujet dans l’une des capitales africaines qui vécurent ces évènements tragiques ? Et Brazzaville, où repose l’homme qui dénonça avec force les crimes de la colonisation, Pierre Savorgnan de Brazza, n’est-elle pas très bien placée pour accueillir un tel débat ?

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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