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Tabu Ley in memoriam

Jeudi 4 Décembre 2014 - 15:15

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Il y a un an déjà que Tabu Ley Rochereau est parti au pays d’où on ne revient jamais. La commémoration de cet événement a eu lieu à Léopoldville, vendredi 28 novembre et à Brazzaville, le lendemain. C’est que Rochereau était l’homme des deux villes. Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir de Micheline, Djibébéké, Mélanie, célèbres chansons dédiées à ses égéries de Pointe-Noire et de Brazzaville. Rochereau a passé sa vie entre les deux capitales, Kinshasa et Brazzaville. Il y a noué de solides amitiés professionnelles  symbolisées par des chansons comme Lucie ou Ninzi créées par Pamelo, alors Pablito, dans l’African Fiesta. Rochereau était, tout à la fois, son idole et son maître. Pamelo ne s’en cachait pas.

Bruno Thiam, enfant de Poto-Poto, est l’ami de toujours de Rochereau. Inséparables jusqu’à la séparation ultime, ils ont su donner un contenu et un sens à l’amitié. Pendant la maladie jusqu’à la mort du Seigneur Ley, Jean Bruno Thiam, l’ami de tous les jours et de tous les instants, était présent. L’ultime séparation, la mort, n’a pu les séparer. Jean Bruno Thiam est resté très proche de la famille de Tabu Ley. Il a pris une part active, comme on pouvait s’y attendre, aux deux cérémonies commémoratives, de Kinshasa et de Brazzaville, du premier anniversaire du décès de son ami et frère. Jean Bruno, on ne peut en douter, est vraiment le gardien du temple de la mémoire ‘’rochelienne’’.

Sur les deux rives du fleuve Congo, le décès de Tabu Ley avait suscité, l’année dernière, une vague d’émotion irrépressible, déversée en un torrent d’éloges. Dans un numéro spécial de la revue Rétro - Histoire et Mémoire -  on peut lire quelques florilèges de ces épanchements. Voici ce qu’écrivait le professeur Manda Tchebwa : « Depuis le samedi 30 novembre 2013, un voile noir a couvert ta demeure et le cœur de tous ceux qui t’aiment profondément, qu’une affliction indicible a gagné tous les tréfonds, et qu’un torrent de larmes s’écoulent de millions d’yeux de par le monde. Aujourd’hui que tu as décidé de rejoindre ta chère épouse Thété dans l’au-delà et ton père bien-aimé Tabu, nous n’avons qu’un mot pour toi : Merci Ley. Toi qui a atteint la plénitude de ton art dans la poésie chantée dans l’éblouissante saveur du verbe en décryptant à cœur ouvert l’âme de ton Congo national ; toi qui aimais tant ‘’spiraliser’’ l’histoire, te voilà pris dans les spires de ta propre prophétie »:

Mokolo nakokufa nani akolela ngai ?

Le jour de ma disparition, qui versera des larmes ?

Nakoyeba te tika namilela

Je l’ignore, laisse-moi pleurer sur mon sort

Liwa ya zamba to soki mpe liwa ya mboka

Mourir en forêt ou en ville

Liwa ya mpasi soki mpe liwa ya mayi, aa…, mama ah

Mourir de maladie ou de noyade

Mokolo nakokufa !  

Le jour de ma mort

« L’angoisse existentielle que dégage cette chanson, écrit le professeur Grégoire Lefouoba, traduit la peur que chacun éprouve devant la mort. Il n’est pas osé d’affirmer que tout lingalophone qui a écouté cette chanson exécute intérieurement son testament et fait ses adieux à la vie, sent la vie dégoûtante et tente d’adopter l’épicurisme comme philosophie d’exaltation de la joie sans tomber dans la luxure. Car la joie est l’une des réalités humaines comme la douleur qui est absolument individuelle, personnelle. La grâce de cette chanson est qu’elle ait été exécutée par une des plus belles voix des deux Congo. Comme le Grand Kallé, Rochereau est le chanteur à partir duquel, on se détermine. On est comparé à Rochereau, et c’est un compliment. On le supplante rarement ».

Personne n’a aussi bien connu Rochereau, l’homme privé et l’homme public, que Jean Bruno Thiam. Nous attendons les pages qu’il écrira sur cette amitié de plus d’un demi-siècle pour éclairer les zones d’ombre de la vie de ce brillant artiste.

Mfumu

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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