Théâtre : Entrechats amuse au Tarmac des auteurs

Lundi 7 Avril 2014 - 14:00

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Drôle du début à la fin, le dialogue entre la grand-mère et sa petite-fille adolescente, extrait de la comédie signée Pascal Vrebos a égayé le public en surnombre à l’espace culturel de Kintambo la nuit du 4 avril.

Isabelle et sa « Grand’mi » en plein conciliabule Entrechats est parue comme une brillante illustration de la citation française « Le chat parti, les souris dansent ». Adolescente à l’approche de ses 17 ans, Isabelle et sa « Grand’mi », terme affectueux dont elle ne cesse d’user en face de sa grand-mère pour qui elle nourrit une grande estime, sont bien facétieuses. Leur apparition sur la scène marquant tout de suite leur soulagement de voir les parents s’éloigner de la maison pour quelque temps est précurseur d’une joyeuse saga habilement menée à deux. Complices dans leur rage familiale face au « couple-bourreau » qui les garde presqu’en cage : « interdiction de faire de la danse pour Isabelle et le fauteuil roulant, une contrainte à la dépendance », elles mettent à profit l’absence des parents pour se défouler. « Grand’mi » qui traite de tous les mots son gendre n’est pas plus tendre avec sa fille et Isabelle ne ménage pas non plus ses géniteurs, cause de ses plus grandes frustrations.

Dans leurs dialogues où elles se racontent et dévoilent tout ce qu’elles ont dans le cœur souvent avec une sorte de rancœur où s’invite l’humour, elles rêvent d’échapper à la claustration de leurs vies. Ce temps de répit offert par une absence perçue telle une aubaine, l’adolescente et son aïeule se livrent dès lors à une série d’imitations du père et de la mère. La foire totale ne se limite pas aux échanges sur les défauts et manières des absents. Elle s’étend jusqu’à certaines libertés dans les pratiques habituelles forts restreintes.

Tout est dans le dialogue

Le décor simple inchangé du début à la fin, une fenêtre et une porte qui se dessinent sur un fond de toile blanche ne participe pas trop à la pièce sauf quand se joue la scène de la cuisine. La cuisson d’une omelette qui en fait un centre d’intérêt rajoute un tantinet de piquant quand elle a presque viré au tragique. Une imprudence qui cause une flambée apaisée à grands renforts de bassines d’eau. Le salon où se déroule tout le récit n’a pour meubles qu’une table et une chaise. Il s’enrichit à peine d’une seconde table emboîtée à la chaise roulante de Grand’mi le temps du partage de la copieuse omelette faite avec douze œufs.

Isabelle et sa « Grand’mi » partageant leur copieuse omelette

 

 

 

 

 

 

Le reste se raconte avec la possibilité offerte aux spectateurs de laisser libre cours à leur imagination. Il y a d’un côté l’histoire du beau pirate des Antilles, autrefois amant de la vieille comme point d’orgue de son discours sur sa philosophie de vie et ses amours de jeunesse. Et de l’autre, l’adolescente en proie aux appréhensions sur l’amour avec une farouche volonté de grandir qu’elle confie sincèrement. Le duo se rejoint à chaque fois dans la révolte contre ces parents qui semblent en avoir après chacune d’elles, à cause de sa vieillesse dans le cas de l’aïeule et de sa jeunesse, dans celui de la jeunette qui a soif de vivre mais désire la mort par dépit.

Leur dialogue qui s’avère en partie ludique devient un genre d’exutoire où elles exercent leur résistance. Découvrir que sa « Grand’mi » n’est au final pas plus hémiplégique qu’elle ne l’a toujours laissé croire désoriente Isabelle tout autant qu’elle s’effarouche lorsque celle-ci feint la morte. La mamy lui apprend que si elle est pleine de ressources, c’est parce qu’être astucieux, savoir faire preuve d’imagination est un atout dans la vie. Mais pour que l’entente redevienne cordiale, elle fait la promesse de ne plus user d’artifices.

Campée dans le personnage cocasse de la mémé qui use de la comédie à tout vent, Annie Biasi-Biasi a bien donné l’illusion d’avoir plus de 50 ans qu’elle brandit à chaque fois face à sa petite-fille faisant mine d’incrédulité pour des histoires qui ne sont plus de son âge. Et dans le rôle de l’adolescente, Sheila Nzutisa qui doit en avoir bien le double savait bluffer avec ses attitudes puériles. En définitive, ce sont les contrastes du duo qui ont marqué le plus le public dans ce spectacle dont la régie a été assurée par Henri Kisasa. La Compagnie Les Loups du théâtre s’est réjouie d’avoir affiché complet et même accueilli du monde plus que Le Tarmac des auteurs n’était en mesure de le faire. Quitte à ne pas la manquer, certains se sont résolus à suivre la pièce debout confinés dans le fond. La quinzième représentation de la création de Bavon Diana était donc une réussite en termes d’affluence du public.

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Isabelle et sa « Grand’mi » en plein conciliabule Photo 2 : Isabelle et sa « Grand’mi » partageant leur copieuse omelette Photo 3 : « Grand’mi » suppliant Isabelle fâchée d’apprendre qu’elle feignait l’hémiplégie