TIC : le Forum sur les IT en Afrique se tient à Paris

Jeudi 10 Octobre 2013 - 19:11

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Le deuxième Forum IT Afrique s’est tenu à Paris ce 10 octobre au Palais de Chaillot sur le thème « Investissement et innovation ». Une journée de réflexion et d’échanges sur le financement de l’innovation numérique en Afrique

Luc Missidimbazi, coordinateur au Congo du projet « Central Africa Backbone » de la Banque mondiale, était la contribution congolaise à ce Forum. Le programme qu’il coordonne est destiné à augmenter la connectivité en Afrique centrale. Selon Luc Missidimbazi, les Africains doivent se défaire de l’idée que les Technologies de l’information et de la communication (TIC) sont un luxe. Pour être compétitives dans le monde actuel, il faut considérer que les TIC sont aussi fondamentales que l’eau et l’électricité. Pour l’expert, les textes juridiques congolais doivent être revus pour amener un climat d’affaire et de compétences. Pour le Congolais, si l’Afrique a besoin d’accompagnement - et non d’assistance - dans le savoir-faire, elle n’en a pas besoin pour le financement. Pour preuve, le Congo a déjà investi 200 millions de dollars pour les infrastructures de TIC. Enfin, pour Luc Missidimbazi, il ne se pose pas de problème de compétences sur les TIC mais d’organisation de celles-ci. Propos relayés par de nombreux panelistes aux yeux desquels il y a sur les marchés du travail africains, plus de demandeurs d’emplois qualifiés que d’offres, même si certaines technologies restent encore à maîtriser. Des transferts de compétence sont toutefois possibles sur ces points. De tels transferts sont d’ailleurs une obligation au Congo pour les agences étrangères soumissionnant aux appels d’offres. Pour les experts des TIC, l’excédent de compétences à utiliser sur place est encore renforcé par la forte diaspora à l’international souvent demandeuse de pouvoir rentrer dans leur pays d’origine.

Pour Alain-Kouassi Ducass Veyret, représentant de l’Adetef, l'agence de coopération technique internationale des ministères en charge de l'Économie et des Finances, malgré son importance stratégique, les États allouent peu de ressources au soutien à l’innovation : le pourcentage du budget étatique alloué aux TIC en Afrique est inférieur à 1% dans de nombreux pays. Malgré cela, les différents intervenants du Forum IT se sont accordés sur le fait que l’Afrique a été ces dernières années un laboratoire pour l’innovation. Certaines se sont développées sur le continent avant d’être généralisées au reste du monde, par exemple le « mobile banking », solutions de paiement par téléphone mobile. On parle alors « d’innovation inversée » puisque celle-ci part des pays du Sud dits sous-développés. Appellation décriée par les participants au Forum pour qui cette expression laisserait entendre que l’innovation appartient à une seule région du monde, ce qui est inexact à leurs yeux.  

Le mouvement de l’innovation peut cependant se trouver ralenti par des réalités sociologiques. Matthieu Lacave, directeur de Technopolis, relève que dans le cas du Congo, les créateurs d’entreprise sont en grande majorité soit des hommes politiques soit des fonctionnaires en activité ou à la retraite. En effet, ce sont les deux seules catégories de populations qui, percevant des revenus réguliers, ont accès au crédit. Mais cet état de fait pose des problèmes pour avoir des entreprises innovantes. Ce phénomène est encore renforcé par l’éduction : selon Matthieu Lacave, le modèle de l’université à la française ne favorise pas l’esprit d’entreprise et l’héritage marxiste congolais, qui voit l’entreprise capitaliste comme un mal, pèse sur les capacités d’entreprendre des aînés.

Le financement est le nerf de la guerre mais les banques réservent le crédit aux seules entreprises déjà installées. Pour les autres entrepreneurs qui en sont à leurs démarrages, il faut recourir, s’accordent les panelistes, au réseau des proches : la « love money ».

Pour Alain-Kouassi Ducass Veyret, les TIC peuvent donner aussi des éléphants blancs, ces projets faramineux qui n’accouchent d’aucun résultat concret. Selon lui, une bonne politique publique en matière de numérique doit savoir résister à la tentation de vouloir aller trop vite, intégrer la dimension de la protection des données personnelles et de la souveraineté.  Pour assurer la souveraineté numérique, le fonctionnaire recommande de développer l’industrie des TIC en même temps que les solutions d’E-gouvernement afin que les États ne bâtissent pas des systèmes supportés par des entreprises étrangères. 

Rose-Marie Bouboutou