Union africaine : le président Uhuru Kenyatta plaide pour une Cour africaine de justice

Mardi 10 Mars 2015 - 12:37

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Les ministres africains ont manifesté récemment leur désir de créer une Cour africaine de justice (CAJ) et des droits de l'homme, au cours d'un sommet de l'Union africaine (UA). Cette annonce donnait suite à plusieurs contestations à l'égard « du rôle biaisé joué par la Cour pénale internationale (CPI), particulièrement lors des jugements des dirigeants africains ».

Le président kenyan Uhuru Kenyatta, l'un des premiers chef d'Etat africain à signer le protocole de Malabo instituant la nouvelle Cour africaine de justice a déclaré que la « Cour Africaine de Justice (CAJ) était là pour durer » et a annoncé que le Kenya allait contribuer par 1 million de dollars afin de rendre la CAJ opérationnelle. La création de cette cour suscite des interrogations.

L’Afrique est composée de plusieurs États avec différentes pratiques judiciaires, pour quel système juridique optera la CAJ pour rendre ses jugements ? Comment procéder à la sélection des juges, ces derniers seront-ils indépendants et impartiaux à l’égard des chefs des États ? Tous les États membres soutiendront-t-ils financièrement le fonctionnement du tribunal ou ce dernier devra-il dépendre de l’aide étrangère à l’image de plusieurs organismes régionaux sur le continent ?

Onze États africains dont le Kenya ont déjà signé le protocole relatif à la création de la CAJ pour se pencher sur les affaires pénales reprochées à la CPI. Cette révélation a été rendue publique par « Voice of Nigeria » lors d’une interview à Nairobi (Kenya) du secrétaire du Cabinet pour les affaires étrangères du Nigeria Amina Mohamed. En fait, 14 États sont censés signer le protocole pour que la CAJ devienne opérationnelle. Le Kenya s'est engagé à faire pression sur les autres États africains pour procéder à la signature du protocole instituant la création de la CAJ.

Uhuru Kenyatta soutient que la création de la CAJ permettra d’instaurer un cadre plus large de justice transitionnelle en Afrique. La CAJ aura comme principal défi le traitement des demandes de justice émanant de plusieurs systèmes différents, notamment de droit civil et en particulier de droit commun. L’Afrique est composée d’États avec des systèmes juridiques divergents surtout quand il s’agit de rendre justice dans les affaires portant sur les crimes contre l’humanité. L’expérience a montré que le pouvoir judiciaire en Afrique demeure toujours insuffisamment indépendant. Les juges sont souvent nommés par les Chefs d’États.

Même au niveau régional, les juges, en particulier ceux officiant à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, doivent au préalable avoir l’approbation de leurs chefs d’États. En réalité, ce fait reste « une aberration » au regard de l’impératif d’indépendance et d’impartialité des décisions judiciaires sur le continent et, évidemment, à l’égard de la réussite de la CAJ envisagée.

 Certains spécialistes émettent des réserves au niveau de l'indépendance de la CAJ

Certains analystes soutiennent que la CAJ peut être un alibi pour servir l’impunité des chefs et des hommes d’État africains, en raison de l’indépendance et l’impartialité insuffisantes des futurs juges. Les dirigeants africains pourraient continuer à tripatouiller les Constitutions de leurs États afin de rester le plus longtemps possible au pouvoir. Ils craignent que la CAJ crée « une certaine redondance ou duplicité dans les rôles, notamment en matière des affaires relatives aux crimes contre l’humanité ».

On sait aussi que les dirigeants africains n’ont pas été en mesure de financer adéquatement l’UA et ses institutions qui dépendent fortement de l’aide étrangère, « ce qui rend la conduite des affaires de cette institution dépendante de l’Occident ». Il y a également la tendance du continent « à être isolé dans une époque où domine la mondialisation. La création de la CAJ ne devrait pas être détournée en une manœuvre pour que le continent soit marginalisé, en particulier quand il s’agit de faire des affaires avec l’Occident ».

 

Noël Ndong