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Urbanisation anarchique : la récréation est terminée

Vendredi 17 Janvier 2020 - 14:26

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Après les catastrophes survenues ces dernières semaines dans notre pays, ayant causé d’énormes dégâts humains et matériels, on a appris par la voie du ministre des Affaires foncières et du Domaine public, Pierre Mabiala, que le gouvernement vient d’interdire le lotissement des zones périurbaines sur l’ensemble du territoire national. C’était au cours d’une rencontre avec les propriétaires terriens.  Au-delà de l’exaspération et de l’effet d’annonce dont on peut supposer être suscité par l’émotion créée par l’ampleur du désastre, la question qui est soulevée ici est celle de l’occupation de l’espace et donc de la construction de nos villes. Plus de la moitié de notre population habite dans des zones urbaines et cette proportion est en augmentation constante. Si rien n’est fait pour mieux structurer et organiser nos villes, le prix à payer sera très élevé.

En effet, l’urbanisation est au cœur du développement dans la mesure où elle permet à chacun de vivre dans un espace réduit en bénéficiant de toutes les commodités du modernisme. C’est dans cet espace que chacun doit trouver les conditions nécessaires pour vivre, travailler, se distraire et être en sécurité. L’occupation de l’espace en ville et sa valorisation doivent être soumises à des règles strictes que les pouvoirs publics, assistés des citoyens, doivent faire respecter.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le message du gouvernement qui, face aux propriétaires terriens, a essayé de lever le ton en disant « Désormais il est interdit …». Une phrase qui traduit l’exaspération des pouvoirs publics face à l’indiscipline, ou disant mieux à l’incivisme voire au crime commis par ces mêmes terriens qui ont vendu à des citoyens des terrains non lotis.

 En effet les problèmes d’urbanisation, de l’habitat et plus largement la problématique de l’occupation des espaces de terrains en République du Congo, sont suffisamment abordés et encadrés par des textes.  Des lois sont adoptées et promulguées pour définir le cadre juridique d’occupation, vente et de lotissement des parcelles de terrains pour des besoins divers.

 Des lois sur l’urbanisation définissent clairement le modèle et le type d’habitat autorisé dans chaque type de ville et les conditions à remplir pour réaliser des travaux de construction. Les principales villes de notre pays disposent de schéma directeur d’aménagement, de plan cadastral etc., pourquoi tout cela n’est pas suffisant pour mettre un peu d’ordre ?

Mais il semble que tout cela n’a pas suffi alors même que plus récemment encore le parlement a adopté et le président de la République a promulgué la loi N° 21 -2018 du 13 juin 2018 dite loi Mabiala fixant les règles d’occupation et d’acquisition des terres et terrains en République du Congo.

Cette loi, en effet, interdit de construire sur certains types de terrains dont ceux en cause actuellement. Plus anciens encore, il existe des arrêtés municipaux, dont certains datant même d’avant l’indépendance, qui n’ont jamais été ni abolis ni modifiés, interdisant certaines pratiques ménagères : ne pas renverser les eaux usées sur la voie publique ; ne pas obstruer la voie publique de quelque manière que ce soit…Or, toutes ces choses se pratiquent tous les jours dans nos quartiers. Qui d’entre nous n’a jamais observé ces choses ?

 La question qu’il convient de se poser à ce stade est celle de savoir comment les pouvoirs publics : la justice, les maires d’arrondissement et de ville, la force publique, ont-ils laissé les citoyens construire sur les zones interdites ? Laxisme, peur d’être conspués par la population, résistance des citoyens inciviques face à la loi, imitation de certaines autorités qui donnent le mauvais exemple en s’installant eux- mêmes sur ces zones interdites. Peut-on dire que le gouvernement est devenu si impuissant devant des forces occultes qui empêchent l’application de la loi ? Si aucune poursuite n’a jamais été engagée contre ceux-là qui ont enfreint la loi que va devenir la Nième mesure du gouvernement qui, en plus, n’est que verbale ?

A la vérité, ce que l’on peut dire sur les phénomènes d’inondations, de glissements de terrain et d’érosions peut choquer certains de nos compatriotes mais n’ayant pas peur ni des mots ni des maux que cela pourra causer dans nos vies. Il faut attraper le taureau par les cornes, il faut faire respecter la loi. Il est temps de réorganiser nos villes avec de grandes opérations du genre Brazza tout égouts comme le fit le Baron De Hausman à Paris ; obliger tous les habitants à mettre leur parcelle en conformité avec les exigences d’urbanisation… La récréation est terminée. C’est désormais le temps de la responsabilisation et de la sanction. Le gouvernement ne peut plus se contenter des mesures préventives. Il faut la répression et durement réprimer ceux qui ont enfreint la loi.

 

 

 

Emmanuel MBENGUE

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Édition Quotidienne (DB)

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