Urbanisme : les Parisiens invités à (re)découvrir l'histoire de la ville de Brazzaville

Mardi 21 Janvier 2014 - 17:31

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L'association UrbaniseC1+ organise le 25 janvier à la Maison de l'Afrique à Paris, l'exposition "Brazzaville, 100 ans d'urbanisation". C'est l'occasion pour les Dépêches de Brazzaville de revenir, avec le président de cette association, Arnaud Guillaume Kouka, sur les questions d'urbanisation de la ville capitale

Les Dépêches de Brazzaville : Vous organisez le 25 janvier à la Maison de l’Afrique, une manifestation sur l’urbanisation de Brazzaville. Qu’est-ce que les Congolais de la diaspora pourront y découvrir ?

Arnaud Guillaume Kouka : Cette manifestation est notre manière de faire la sortie officielle de notre association UrbaniseC1+. Nous allons présenter une dizaine de cartes de la ville de Brazzaville qui datent de 1850 à 1983. Il s’agit de remonter le cours de l’histoire et de découvrir la ville de Brazzaville telle que les Congolais ne l’ont jamais vue. La présentation des cartes montrant l’évolution de notre villes era suivie d'un débat sur l’urbanisation de la ville au cours des cent dernières années. L’urbanisme est très important puisqu’il touche, au final, au bien-être des populations. Cette exposition pourra intéresser même des non-urbanistes.
À travers les cartes on voit l’évolution de la ville. À l’origine c'est une ville construite au service d’une minorité, les colons installés dans les quartiers blancs, l’actuel centre-ville, séparés physiquement des quartiers indigènes par le chemin fer d’un côté (Poto-Poto) et le ravin de la glacière de l’autre (Bacongo). Un schéma qui n’a pas été remis en cause avec l’indépendance. Bien au contraire, avec la pression démographique (la population urbaine représente 60% de la population congolaise qui double tous les dix ans) nous avons assisté à la croissance anarchique des périphéries de Brazzaville avec tous les problèmes qu’entraînent l’absence d’équipement et de services de base (l’absence de réseau de distribution d’eau et d’électrique, le manque de voirie, de dessertes et d’accès, l’insuffisance d’infrastructures hospitalières et scolaires, etc.). Nous souhaiterions pouvoir aborder toutes ces questions non pas de manière politicienne mais en nous basant sur le plan technique.

LDB : Comment avez-vous eu l’idée de créer l'association UrbaniseC1+ ?

AGK : Nous avons créé l’association parce que nous voulons mettre notre expérience professionnelle, autant que possible et en toute modestie, au service du développement du pays. Avec mon oeil d'homme du métier, j’ai été personnellement choqué de voir certaines choses lors de mes séjours au pays en termes d’aménagement urbain : les embouteillages, les inondations, les problèmes de distribution d’électricité. Peu d’associations travaillent sur ces questions techniques parmi la diaspora africaine en général et congolaise en particulier. Pourtant les questions d’urbanisme, d’habitat et d’aménagement du territoire sont très importantes pour élaborer des projets de construction cohérents, au service de la qualité de vie des populations.   

LDB : Quels objectifs poursuivez-vous avec cette association ?

AGK : Nous avons deux objectifs. Le premier est de créer une expertise citoyenne. En effet, nous voulons d’abord nous adresser aux populations pour expliquer l’importance de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire et leurs enjeux dans l’amélioration de leurs conditions de vie au quotidien, avec une neutralité politique. Le second objectif est d’être un interlocuteur privilégié des autorités, des élus et des partenaires au développement du pays comme la Banque mondiale, l’ONU Habitat, le PNUD, etc. 

LDB : Le Congo était jadis en pointe sur les questions d’urbanisme. À quoi est dû le retard pris entre temps ?

AGK : Dans nos recherches, nous avons eu la chance de découvrir le Centre de ressources documentaires aménagement-logement et nature (CRDALN) qui est placé sous la tutelle du ministère de l’Équipement français. Entre 1976 et 1983, des urbanistes français ont réalisé une mission au Congo qui a débouché sur la création à Brazzaville du Centre de recherches et d’études des techniques de l’habitat (CRETH). Le CRETH était une structure composée de cadres congolais formés par les coopérants français et sous la tutelle du ministère de l’Urbanisme, de la Construction et de l’Habitat congolais. Des schémas directeurs d’urbanisme et d’aménagement, et des Plans directeurs d’Urbanisme ont été élaborés pour quinze localités du Congo, prévoyant l’évolution de ces villes de 1980 à 2000. Le Congo était l’un des premiers pays d’Afrique noire à se doter d’un programme de planification urbaine d’une telle ampleur. Brazzaville était alors une plaque tournante de l’urbanisme en Afrique, avec l’association des géographes congolais. Nous avons même abrité dans la capitale, en 1983, les premières journées de l’urbanisme en Afrique noire. On peut penser que les différentes crises économiques, politiques et militaires qu’a connu notre pays du milieu des années 80 au début des années 2000, ont eu raison de ces initiatives. Avec le forum international sur les infrastructures, Build Africa, organisé à Brazzaville en février prochain, le Congo renoue avec une tradition. Grâce à la stabilité et la prospérité retrouvées, nous espérons que les travaux réalisés au cours des années 1970-80 sortiront des tiroirs et seront remis à jour, au service du pays. 

Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

L'affiche de l'exposition "Brazzaville, 100 ans d'urbanisation" (Crédits DR)