Vatican : des millions de pèlerins affluent déjà vers Rome pour les canonisations

Jeudi 17 Avril 2014 - 19:45

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Semaine sainte, fête de Pâques et canonisation de deux papes : même l’Afrique vit désormais à l’heure de Rome

C’est dans trois semaines de grande ferveur chrétienne que la ville de Rome est entrée depuis la célébration, dimanche dernier place Saint-Pierre, du Dimanche des Rameaux. Avec ce rite qui célèbre l’entrée triomphale de Jésus-Christ à Jérusalem et sa Passion proche, sa crucifixion, le pape François a introduit l’Église catholique dans la Semaine sainte. Elle culminera dimanche prochain avec la fête de Pâques qui, elle, marque la résurrection du Fils de Dieu. Mais à ces deux fêtes, bien centrales dans le parcours liturgique chrétien, Rome s’apprête à en ajouter une autre : la canonisation de deux papes.

Dimanche 27 avril en effet, les papes défunts Jean XXIII et Jean-Paul II vont être, dans une démarche jamais vécue auparavant par les catholiques, proclamés saints le même jour. Si le deuxième est plus connu que le premier, ce n’est pas faute d’avoir marqué l’histoire et l’Afrique pourtant. Le pape Jean XXIII, appelé par ses compatriotes italiens « le pape bon », est celui qui convoqua au début des années 1960 le Concile œcuménique Vatican II. C’est cette sorte d’états généraux des Catholiques auxquels furent conviés aussi des protestants et des orthodoxes, qui traça les contours de l’Église catholique d’aujourd’hui.

À titre de simple rappel, on citera parmi ses décisions essentielles : l’abandon du latin comme unique langue de célébration des messes ; la traduction de la Bible et des textes liturgiques dans les langues locales ; le positionnement du prêtre face aux fidèles pendant la messe ; la collaboration avec les autres chrétiens (œcuménisme) et, même, l’abandon de l’hostilité systématique contre la presse devenant du coup un outil au service de la pastorale dans tout l’éventail de ses réalités technologiques (journaux, radio, télévision et, aujourd’hui, Internet et réseaux sociaux »… Ce n’est pas rien !

Le pape Jean XXIII, Angelo Roncalli de ses noms ‘civils’, ancien nonce apostolique (notamment à Paris), est aussi l’auteur d’un texte-encyclique majeur qui continue d’avoir une puissance d’inspiration pour l’Église catholique : Pacem in terris (la Paix sur terre). Beaucoup d’intellectuels africains chrétiens ont puisé dans ce texte leur démarche de foi ou de militants, surtout pendant les années des guerres de libération nationale. D’ailleurs, en marge de la canonisation à venir, ceux-ci s’apprêtent à lui rendre un hommage particulier à lui aussi au cours d’un colloque d’intellectuels africains programmé à Rome les 24 et 25 avril prochains.

Mgr Louis Portella Mbuyu, président de la conférence des évêques du Congo et évêque de Kinkala, y est annoncé, lui qui a été porté récemment à la tête d’une structure continentale africaine dénommée Foi et Culture… Un autre Congolais, figure pensante de son Église, le bibliste Paulin Poucouta, actuellement professeur à l’Institut catholique d’Afrique centrale à Yaoundé, y donnera une conférence attendue. Tout comme l’ancien Premier ministre Edem Kodjo du Togo ; l’essayiste et économiste béninois Albert Tévoédjré (auteur du célèbre essai : « La pauvreté, richesse des nations ») sont parmi les personnages attendus.

Les papes de l’Afrique

Les deux pontifes qui vont être portés sur ce qu’on appelle la « dignité de l’autel » sont donc « parlants » pour l’Afrique. Mais, pour tous, c’est Jean-Paul II qui restera « le pape de l’Afrique ». Le pape polonais a marqué les esprits par ses nombreuses prises de position, courageuses, et la puissance de sa communication. Si le pape Jean XXIII convoqua le concile Vatican II (dont il ne put célébrer la clôture officielle, étant mort entre temps, en 1963), c’est pourtant le pape Jean-Paul II qui donnera de l’ampleur à ce que le concile avait fixé comme horizons et espaces de respiration à l’Église catholique.

Non seulement il sera véritablement le pape des médias, dont il usera partout, mais son long pontificat de 27 ans lui permettra aussi d’aller raviver une Église en souffrance dans tous les recoins de la planète. Grâce aux médias, précisément, il va rallumer la flamme des croyants catholiques conduisant, volontairement ou non, à l’effondrement du bloc soviétique. Surtout, c’est le premier pape qui fera de nombreux voyages en Afrique, inversant le dicton qui voulait jusque-là que pour voir le pape il fallait aller à Rome. Il viendra en Afrique moins de deux ans après son élection à la papauté. Ce premier contact avec le continent commencera d’ailleurs par les deux Congo (l’un s’appelait Zaïre alors), le 2 mai 1980.

C’est donc cela, notamment, qui pourrait expliquer la très grande affluence des pèlerins africains aux cérémonies de canonisation de la fin de la semaine prochaine. Il n’est pas prévision qui n’indique la venue de nombreux fidèles catholiques africains pour le grand événement. Certains sont déjà arrivés. Sur la place Saint-Pierre prise déjà d’assaut, on se heurte inévitablement aux carrés des fidèles africains venus du continent ou de la diaspora. À l’instar de ce Kenyan rencontré, membre d’un groupe de pèlerins auxquels un tour opérateur européen a proposé un circuit passant par la Pologne, l’ex-Yougoslavie, Assise puis finalement place Saint-Pierre au Vatican ! Il se dit comblé, musulman et ira raconter son expérience à Londres où il vit.

Mais c’est, peut-on dire, toute la planète chrétienne qui a commencé à affluer vers la capitale italienne. Rome est habituée aux grands événements religieux de masse, certes, mais cette fois l’afflux pourrait dépasser l’entendement. De sorte que, devant ceux qui avancent l’hypothèse d’une présence possible de cinq millions de personnes le 27 avril sur la place Saint-Pierre et les rues adjacentes, le Vatican répond tout simplement : c’est possible ! Et dans tous les cas, les capacités de la place sont telles qu’il n’y aurait pas d’inquiétude particulière à avoir, souligne le Père Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège.

Mais les autorités communales et provinciales de Rome sont moins sereines. Elles doivent répondre efficacement au défi d'organisation que pose un tel événement géant. Les patrouilles de police et de gendarmes sont visibles sur la plupart des places de la ville. Plusieurs objectifs sensibles feront l'objet de contrôles renforcés par 2.430 agents supplémentaires des forces de l'ordre. Rome est littéralement sur les dents. Métro et lignes de bus ont vu leurs fréquences doublées, voire triplées ; la fameuse Ligne 64 de bus qui mène de la gare centrale Termini à Saint-Pierre ne connaît même plus d’interruption, fonctionnant jour et nuit.

Depuis un peu plus de deux mois, les hôtels affichent complets. Or cette occasion pourrait être propice pour que la petite ou même la grande criminalité ne loupe pas l’opportunité de faire quelques bonnes affaires. C’est pourquoi même les contrôles dans les bus et aux bouches du métro s’intensifient, et pas question de se réfugier derrière le prétexte de la langue pour justifier un ticket non acheté ou non composté. En cas de véhémente contestation, police et carabiniers qui ne sont jamais loin, peuvent éventuellement mettre tout le monde d’accord, dans un langage de fermeté qui n’a pas besoin d’interprète.

Soixante-et-une délégations officielles ont d’ores et déjà annoncé leur venue. Dix-neuf chefs d'État, 24 Premiers ministres et 23 ministres ont annoncé leur présence le 27 avril. Le Premier ministre français Manuel Vals conduira, dit-on, une délégation française nourrie. Pour sa part, la Pologne, terre natale de Jean-Paul II, a prévu l’envoi d’un véritable bataillon de « poids lourds » comprenant notamment le président Bronislaw Komorowski en personne. Il sera accompagné des anciens présidents Lech Walesa et Aleksander Kwasniewski. En train, en avion, en autocar, en voiture et en bateau, les pèlerins sont déjà en route.

Lucien Mpama