Victor Mamonekene : « La tête du poisson stocke de la toxine »

Samedi 24 Septembre 2016 - 0:33

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Le chef de département Environnement et océanographie, à l’Institut national de recherche en science exacte et naturelle, revient sur l’impact de la recherche dans la gestion des ressources halieutiques et sur l’échec de la filière piscicole au Congo.

Les Dépêches de Brazzaville : En qualité de chercheur, vous étudiez la biologie ; la biodiversité aquatique, terrestre et marine, pour quel résultat ?

Victor Mamonekene : En matière de recherche, nous faisons surtout l’étude de la biodiversité des poissons, des eaux continentales congolaises parce que, plus facile à étudier, car les poissons sont les plus faciles à obtenir dans un milieu aquatique. Les autres composantes sont beaucoup plus difficiles. Actuellement, nous menons des recherches dans les bassins fluviaux du bassin du Congo et ses affluents ainsi que du bassin du Kouilou-Niari.

L.D.B. : À quoi servent vos recherches ?

V.M. : La recherche en matière de biologie des poissons permet de canaliser les aspects de pêche. Quand vous connaissez comment se reproduit un poisson, ce qu’il mange, vous pouvez alors en matière de politique de gestion de la pêche essayer de montrer qu’il n’est pas bon de capturer à tel moment de l’année et à tels endroits certaines espèces. L’autre aspect d’intérêt de la recherche sur les poissons c’est de comprendre, par exemple, que parmi les nombreuses espèces que nous avons dans nos eaux, il y a des espèces qui pourraient se prêter à la domestication, notamment le Tilapia du Nil et aussi le « Congo ya sika ». Il est difficile de trouver le poisson de pisciculture.

L.D.B. : Qu’en est-il de la pisciculture au Congo ?

V.M. : L’un des freins à la pisciculture, c’est la pratique même de la pisciculture. Il faut donc mettre un accent sur l’éducation des populations. L’acquisition des intrants constitue également un blocage au développement de cette filière. Pour nourrir les poissons, il faut qu’il y ait la disponibilité des aliments sur le marché. Or, au Congo, vous trouverez beaucoup de plans d’eau pour faire l’élevage du poisson. Malgré les investissements, ces étangs ne produisent pas les résultats attendus. L’élevage nécessite l’apport d’un aliment correct comme en Norvège pour l’élevage du Saumon. Il faut savoir qu’on ne peut pas élever n’importe qu’elle espèce.

L.D.B. : Sur la gestion des ressources, est-ce-que votre mot d’ordre est suivi par les pêcheurs sur les zones à exploiter ?

V.M. : Nous sommes des chercheurs et non pas des vulgarisateurs. Nous produisons donc des résultats. Ces résultats peuvent être utilisé par d’autres départements ministériels pour la vulgarisation. Parce qu’en dehors de la pisciculture, il y a aussi ce qu’on appelle l’aquaculture. Ailleurs ça marche parce que la vulgarisation est aussi importante.

L.D.B. : Partant des résultats de vos recherches, un mot sur la biologie du milieu aquatique au Congo ?

V.M. : Outre le poisson, nous utilisons aussi la biologie du milieu aquatique pour caractériser la qualité d’une eau, en étudiant d’autres organismes qui y vivent comme des larves aquatiques, insectes. Au lieu d’utiliser des produits chimiques ou des appareils pour mesurer si le cours d’eau est sain ou pas, on peut juste observer des organismes qui y vivent. Il est vrai que l’eau s’auto épure, mais au-delà d’une certaine charge, il y a des difficultés à ce que l’eau se renouvelle. C’est pourquoi les poissons que l’on pêche au Djoué sont plus pollués que ceux que l’on pêche à Dragage ou à Gamakosso. Surtout la tête du poisson, que nous aimons bien consommer, stocke de la toxine. Puisque nous n’avons pas de station d’épuration (…), c’est à d’autres départements de se saisir de ces données pour pouvoir aller vers les politiques d’assainissement.

L.D.B. : La recherche contribue-t-elle, d’une certaine manière, à l’autosuffisance alimentaire ?

V.M. : Les efforts qui peuvent être consentis dans le sens de la recherche pour produire des fruits, c’est d’arriver à utiliser tous ces résultats pour aller vers les aspects de développement aussi bien pour l’autosuffisance alimentaire qui concerne la pêche et l’aquaculture qu’à l’assainissement de nos milieux, des aspects de durabilité puisque nous faisons beaucoup de travail dans les milieux protéger comme les réserves, Nouabalé-Ndoki, Epena, Léfini… Les données que nous recueillons permettent quand même de gérer ces zones une fois que les politiques sont établies pour pouvoir amener à une gestion durable de ces ressources.

Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Victor Mamonekene

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