Vincent Rautureau : « Mes joueurs ont répondu à tous les défis qui leur étaient posés avec un état d’esprit remarquable »

Samedi 26 Avril 2014 - 3:18

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Avant de s’envoler vers Brazzaville avec ses joueurs, Vincent Rautureau a confié son bonheur et sa fierté, au lendemain de la victoire du CESD La Djiri en finale du tournoi international cadets de Rezé. Le technicien français en appelle également aux instances nationales afin de soutenir la formation au Congo

Les Dépêches de Brazzaville : Monsieur, hier après-midi, avec vos joueurs du CESD la Djiri, vous célébriez la victoire au tournoi international de Rezé. On imagine que l’émotion était forte.
Vincent Rautureau : Oui, nous sommes vraiment sur un nuage. La communion a vraiment été forte entre les joueurs, le staff, la délégation et le président Benito Amouzoud. Et ce n’est pas fini, car je crois qu’une petite fête nous attend dès notre retour au CESD.

Comment vous êtes-vous retrouvés à Rezé, trois semaines après votre podium à Soweto lors du tournoi Future Champions Gauteng ?
Par des relations tissées lors de mon passage au FC Nantes (2007-2010, NDLR). Des amis m’ont sollicité, connaissant mes fonctions au CESD, et m’ont dit que les organisateurs cherchaient des équipes étrangères pour finaliser le plateau de l’édition 2014. J’en ai fait part au président Benito Amouzoud qui a tout de suite compris l’intérêt d’une participation : montrer la qualité du travail réalisé à La Djiri et les talents dont regorge le football congolais. Une fois notre candidature acceptée, nous avons entamé les démarches avec l’ambassade de France, où nous connaissions les difficultés inhérentes à l’obtention de visas pour de jeunes footballeurs. Et nous nous sommes engagés à ce que tout le monde rentre. Sans exception.

Par le passé, ce tournoi de Rezé a été remporté par des grands noms de la formation comme l’AJ Auxerre, le FC Nantes, l’Ajax d’Amsterdam. Avec quel objectif arrive-t-on quand on est l’entraineur du CESD ?
C’est effectivement un gros tournoi. Avec le tournoi de Montaigu, dont la finale oppose la Côte d’Ivoire à la Corée du Sud ce lundi (les Eléphanteaux l’ont emporté 2-1, NDLR), Rezé est l’un des grands tournois internationaux organisés dans l’ouest de la France. Une seule équipe africaine, le Burkina en 2010, l’a remporté, donc nous sommes arrivés sur la pointe des pieds. Après, notre engagement habituel auprès du président Amouzoud est de ne jamais finir dernier d’un tournoi. L’idée ensuite était de montrer la meilleure image possible du football congolais, mais aussi du groupe, sportivement et humainement. Et je crois que l’objectif est atteint à tous les niveaux, car mon groupe a été formidable, il a communiqué sa joie de vivre à tout le monde, organisateurs et spectateurs.

Trois jours de compétitions, cinq matchs, quatre succès, une défaite aux tirs au but avec des adversaires nommés Brest, Guingamp ou Angers. Pour le coach, c’est un tournoi abouti ?
Oui, vraiment. Tactiquement, techniquement et physiquement, mes joueurs ont répondu à tous les défis qui leur étaient posés avec un état d’esprit remarquable. Face à des équipes de haut niveau, qui sont toutes engagées en 17 ans nationaux, on a confirmé que le football congolais était de grande qualité et qu’il regorgeait de talents. Quand je vois la qualité de nos jeunes, la qualité des jeunes de nos amis du CNFF, la qualité des gamins dans les tournois de détection que nous organisons, ça confirme que le football congolais a un potentiel exceptionnel. Alors savourons ce succès, puis remettons nous vite au travail et redoublons d’efforts.

Depuis le début de l’année civile, c’est le troisième tournoi auquel le CESD participe (Djiri Cup, Future champions Gauteng de Soweto et Rezé). C’est le signe d’une vraie montée en puissance ?
L’investissement fait à la Djiri par le président Amouzoud est énorme, et c’est une fierté pour les jeunes et le staff de pouvoir lui permettre d’en récolter les fruits que sont ces médailles. Vous savez, hier, l’émotion était vraiment forte entre le président et les jeunes. Quelque chose d’important se concrétise avec un tel résultat. Cela valide le travail accompli et donne de la motivation pour tout ce qu’il reste à faire. En football, il n’y a pas de place pour le hasard : la Djiri Cup, que nous organisions avec un très beau plateau, a été une mise en bouche. Notre voyage à Johannesburg a été une très bonne préparation pour Rezé, avec le résultat que l’on connaît.

Une victoire à Rezé peut-elle permettre à certains éléments d’être repérés et recrutés ?
Il est évident que des joueurs seront sollicités, c’est indiscutable, et la réussite de l’académie est aussi-celle du football congolais. Je pense d’ailleurs qu’il est vital que l’État investisse dans d’autres académies, dans tous les pays. Il n’est pas normal qu’un pays comme le Congo, avec tant de bons jeunes dans ses quartiers, n’ait pas davantage de structures pour les amener vers le haut niveau. Car pour prôner le beau jeu, il faut aussi offrir des infrastructures qui permettent de développer le jeu.

Le Centre d’études et sport la Djiri a parfois l’image d’un centre pour « gosses de riches » puisque les parents payent pour inscrire leurs enfants. Ce succès à Rezé est aussi une réponse à cette réputation ?
Je ne peux pas laisser dire que le CESD est une académie de gosses de riches, et la victoire à Rezé va dans mon sens. Après, effectivement, c’est une académie payante et l’on sait que ce n’est pas à la portée de toutes les familles congolaises d’y inscrire leurs enfants. D’où la nécessité d’une subvention de l’État pour ce type de structures pour soulager les familles et permettre aux jeunes Congolais d’intégrer les circuits de formation. Nous organisons des détections dans les quartiers, comme récemment dans tous les arrondissements de Brazzaville, et nous allons le faire ensuite à Pointe-Noire, puis Owando, Oyo, Dolisie, pour y découvrir les talents de demain. Si les parents ne peuvent pas financer les études scolaires et sportives du jeune, devons-nous le laisser en dehors du système ? Non, et je lance un appel ouvert à l’État pour qu’il mette en place des bourses. Une seule et unique personne ne peut pas financer tout ça, les instances doivent prendre le relai.

Création d’autres académies dans le pays, détection généralisée, mise en place de bourses sportives… C’est la mise en place d’une formation nationale que vous décrivez ?
Depuis mon arrivée en novembre, j’ai vu, je le répète, beaucoup de talent, d’envie, d’application et les résultats lors des derniers tournois n’ont fait que conforter mon idée du football congolais. Donnons-lui donc les moyens de progresser, avec plusieurs structures, des petites promotions, qui tirent vers le haut les meilleurs éléments, à l’image du système fédéral français. La méthode est simple : détecter la matière première et la faire progresser sur la durée. Après cela demande deux choses : du travail et de l’argent.

D’aucuns ne manqueront pas de vous mettre en concurrence avec le CNFF de Brazzaville. Est-ce le cas ?
En aucun cas. D’abord, accordons nous sur un point : nous travaillons tous pour le même produit, le football congolais. Et dans ce sens, nous sommes complémentaires. Il n’est pas normal qu’il n’y ait qu’un seul CNFF au Congo : il devrait y en avoir un à Pointe-Noire, à Dolisie… Et même avec plusieurs CNFF, les structures privées auront leur rôle à jouer. Plus il y aura de joueurs formés, plus le niveau des sélections nationales sera relevé. Et c’est à ce prix que le Congo redeviendra un habitué des CAN, des Chan et de toutes les compétitions.

Un petit mot pour conclure cet entretien ?
Bien évidemment, je tiens encore à remercier mes joueurs, qui ont été supers en tous points et le staff, Shopi, J-B et Vincent de la Mellinet. Je veux également remercier mon président, Benito Amouzoud, qui m’a fait confiance. Et je n’oublie pas tous ceux qui font que l’Académie tourne au quotidien : les quatre-vingt personnes qui bossent et qui encadrent les enfants. Et les instances, dont le ministre des Sports qui nous ont aidés à organiser ce voyage. Une pensée également à tous les journalistes qui font le lien entre nos actions et le grand public à qui nous aimons offrir du bonheur avec de tels succès. 

Benito Amouzoud, président-fondateur du CESD La Djiri : «  Je tiens à dédier cette victoire au président de la République, M. Denis Sassou-N'Guesso, pour l’impulsion qu’il donne au sport congolais en mettant en place des infrastructures telles que celles de Kintélé, Kinkala et auparavant Owando et Ouesso, entre autres. Notre victoire à Rezé est la victoire du sport congolais dans son ensemble. »

Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : À Rezé, Vincent Rautureau a croisé Issa Cissokho, international sénégalais du FC Nantes, qu'il avait eu sous ses ordres à Guingamp entre 2003 et 2005. (© DR) ; Photo 2 : Vainqueur à Rezé, le CESD la Djiri symbolise l'énorme potentiel du football congolais. (© DR) ; Photo 3 : Le président fondateur du CESD la Djiri, Benito Amouzoud, et Genthil Nkounkou, coordonnateur du CESD, entourés du staff technique. (© DR)