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Yaka tovanda !

Vendredi 27 Juin 2014 - 1:14

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Yaka tovanda ! (Mettons-nous ensemble) n’est pas une exhortation à l’union en direction d’un monde politique inconstant et incohérent. Sous d’autres cieux, on parlerait d’un monde politique schizophrène. « Mettons-nous ensemble » est, ici, et dans un autre contexte, une expression fort usitée dans nos cités.

Au Congo permissif, différentes formes de déviances ont été érigées en normes sociales. Depuis de nombreuses années, on assiste à un désamour de l’institution mariage. Même notre bon mariage coutumier est frappé par cette désacralisation. Désormais, c’est le règne du yaka tovanda. Dans ce type d’union, puisqu’il s’agit bien de ça, un homme et une femme, jeunes, adultes ou vieux, décident de se mettre en ménage en dehors de toutes conventions généralement admises par et dans la société. Longtemps, ce type d’union fut appelé « stage » ; s’il est concluant, les relations perdurent, sinon c’est la rupture sans autre forme de procès. Les raisons de ces déviances sont multiples… Ainsi va la vie dans notre société en perte de valeurs.

À une certaine époque, à Brazzaville, les relations entre une fille et un garçon étaient « ritualisées ». Il était, alors, courant d’entendre : « Cette fille est ma copine, ma proposée ou ma fiancée… » Qu’est-ce à dire ? La copine était une fille avec laquelle un garçon entretenait une relation platonique, en réalité, un flirt se limitant au bécot ; une copine, version sexuelle, était une fille qui avait, avec un garçon, une relation caractérisée par le passage à l’acte. Il fallait du temps pour y arriver, ce qui n’est plus guère le cas. Avec la proposée, on montait d’un cran. Le prétendant était connu des parents de la fille. Directement, par un contact informel ou indirectement par ouï-dire. Dans le cas du village de Poto-Poto, ou de celui de Bacongo, tout le monde connaissait tout le monde. Ce type de liaison était souvent un secret de polichinelle.

Fiancée : une fille accédait à ce statut après la rencontre des deux familles, avec toute la solennité liée à la présentation mutuelle puis à la dot. Les deux cérémonies pouvant se passer en même temps. À cette époque, il s’agissait, dans un cas ou l’autre, d’une cérémonie réunissant les deux familles et quelques relations triées sur le volet. Elle se déroulait au domicile des parents de la fille, en toute intimité et sans tape-à-l’œil. À l’issue de cette cérémonie, les parents, ainsi honorés, autorisaient leur fille à rejoindre son foyer. Enfin, ultime étape, en forme d’apothéose, le mariage officiel ou religieux, parfois les deux, le même jour. C’était l’occasion d’une grande fête réunissant, cette fois-là, les deux familles, les proches et les amis. Elle se déroulait, en général, dans un lieu public : bar, buvette ou portion de rue aménagée pour la circonstance, etc. C’est de cette façon que les choses se passaient à Brazzaville et, singulièrement, à Poto-Poto.

Puis vint une nouveauté, le mariage par procuration, popularisé par les départs massifs à l’étranger de jeunes Congolais, qui, souvent, laissaient au pays une copine, une proposée ou une fiancée. Il n’est que de se rappeler les pathétiques scènes de départ à l’aéroport Maya-Maya. Les copines, les proposées ou les fiancées, installées sur la terrasse de l’ancienne aérogare surplombant le tarmac, versaient des flots de larmes lorsqu’elles apercevaient leurs « mecs » se dirigeant vers l’avion pour l’embarquement. Certains de ces tourtereaux, séparés par la force des choses, se mariaient par procuration, au cours d’une cérémonie sobre, presque confidentielle.

Par la suite, le mariage par procuration connut une évolution : le mariage arrangé. L’étudiant installé dans le pays de destination demandait à ses parents ou à ses amis de lui dénicher une épouse. Parfois, il orientait les recherches en direction de deux ou trois « petites », comme on disait dans le jargon de l’époque ; en réalité, il s’agissait souvent de voisines qui l’avaient soit fait tourner en bourrique, soit qu’il avait simplement dans son viseur, pendant qu’il était au pays. Ses intercesseurs avaient pour unique argument une photo couleur prise à l’étranger, la fascination du voyage outre-Atlantique faisant le reste. La chanson-photo de Pamelo Mounk’a, Atypo, qui aborde cette question, en est l’excellente illustration.

Aujourd’hui, c’est le règne du « yaka tovanda », la version moderne du mariage. Autres temps, autres mœurs.

Mfumu

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Édition Quotidienne (DB)

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