Zone économique spéciale : un modèle complexe pour l’Afrique ?

Samedi 17 Novembre 2018 - 14:44

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La majorité des pays africains est à la recherche de la bonne formule pour atteindre le développement. L’une des méthodes prônées par ces Etats depuis plusieurs années est la construction des « Zones économiques spéciales » (ZES), dont leur modèle est la Chine.

Contrairement à la Chine, où les enseignements tirés de l’expérience ont montré que les ZES génèrent la croissance si elles exploitent les avantages des géographies naturelles et économiques, en Afrique, le constat est autre. Les résultats attendus ne sont pas encore au rendez-vous.

Les quatre freins à l’essor des ZES en Afrique

Après la mise en place des premiers programmes de ZES en Afrique dans les années 1970, par exemple au Liberia (1970), à Maurice (1971) et au Sénégal (1974), les résultats sont plutôt mitigés. En comparant à la Chine, où les ZES ont prouvé qu’elles pouvaient favoriser le développement territorial avec une augmentation du niveau de l’investissement direct étranger (IDE) par habitant dans la zone, en Afrique, bon nombre de ZES ont du mal à reproduire la réussite des ZES chinoises orientées sur l’exportation et à forte intensité de main-d’œuvre, même s’il est encore trop tôt pour en dresser un bilan définitif. La plupart des ZES souffrent d’une lenteur au démarrage puisqu’il faut cinq à dix ans avant de se développer et elles se heurtent à de multiples obstacles. Premièrement, nombreuses d'entre elles doivent faire face au coût élevé de la main-d’œuvre, des facteurs de production et du transport, associé à une faible productivité. Une enquête auprès de quatre-vingt-onze ZES dans vingt pays d’Afrique subsaharienne révèle que ces zones totalisent environ un million d’emplois, soit 0,2 %  de l’emploi total. La zone franche de Madagascar en constitue une parfaite illustration : au départ, elle a produit un impact macroéconomique très significatif en termes d’exportations et d’emplois, en cumulant cent mille emplois en 2004. Cependant, la fin des quotas sur l’habillement en 2005 a mis un terme à cette expérience. 

Deuxièmement, le climat national peu propice freine l’entrée de l’IDE  dans les ZES. De plus, d’importantes disparités de réglementation et de régimes fiscaux entre les entreprises tournées vers l’exportation et les entités locales empêchent l’instauration de relations ainsi que les retombées industrielles qui en résultent. D’ailleurs, des pays comme la Tunisie peinent à tirer de leur secteur offshore davantage d’effets bénéfiques pour la population. Troisièmement, d’autres objectifs peuvent interférer avec les considérations économiques et influencer le tracé de ces zones.

En Tanzanie, par exemple, des impératifs politiques ont incité le gouvernement à décider d’implanter une ZES par territoire, au risque de saturer l’espace industriel, d’évincer l’investissement privé et d’entraîner des dépenses supplémentaires. Des indemnisations en cas d’expropriation soulignent également les risques d’une mauvaise allocation des ressources et d’un comportement de recherche de la rente dans les ZES qui ne sont pas dotées d’institutions publiques solides. Quatrièmement, certaines ZES se heurtent à d’autres obstacles spécifiques du fait d’un tropisme trop exclusivement économique et d’un manque de coordination avec les autres politiques publiques : la nature intrinsèquement multidimensionnelle de toute action territoriale est, en effet, souvent négligée. Au Lesotho, où ces zones engendrent des opportunités d’emploi relativement importantes, l’infrastructure sociale locale ne s’est pas adaptée à l’afflux massif de travailleurs.

Comment mieux développer la ZES de Pointe-Noire ?

A la faveur de la visite d’Etat que le président de la République, Denis Sassou N’Guesso, a effectuée en Chine en septembre dernier, dans le cadre du troisième  forum de coopération Chine-Afrique, plusieurs accords de coopération ont été signés entre les gouvernements congolais et chinois. Au nombre de ceux-ci, deux avaient trait au développement des ZES en République du Congo.

Le premier accord, intitulé « Accord-cadre pour le développement de la zone économique spéciale de Pointe-Noire en République du Congo », détermine les principes de la convention de développement qui sera signée par la suite. Il précise que le Congo et la Chine créeront, à travers leurs structures respectives, une société à capitaux mixtes de droit congolais dénommée « Le développeur » qui effectuera, notamment, le développement, les financements, les constructions dans la ZES de Pointe-Noire.

La République du Congo accordera au « développeur » le droit exclusif de développer la ZES de Pointe-Noire au moyen d’une convention de développement.

En outre, le document indique que les deux parties ont le droit de transférer et de céder les actions qu’elles possèdent dans le capital social du développeur, conformément au pacte des actionnaires, avant de souligner que la participation du Congo se fera en apports, soit en numéraires, soit en nature, aux conditions à déterminer  par le pacte des actionnaires.

La ZES de Pointe-Noire sera la première à voir le jour dans le pays, avec l’assistance technique et financière de la Chine. Des régimes spéciaux avec beaucoup de privilèges fiscalo-douaniers et de facilités en matière d’installation y seront appliqués, avec pour vocation d’attirer les IDE.

Le gouvernement congolais veut voir dans les ZES un modèle qui peut permettre au pays d’assurer son essor économique. Mais il doit éviter de reproduire les mêmes erreurs que les autres pays africains dans lesquels cette expérience tarde encore à produire les résultats escomptés.

Boris Kharl Ebaka

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