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Notes de lecture : Sarah, ma belle-cousine d'Henri Djombo

Jeudi 10 Octobre 2024 - 18:25

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Henri Djombo est communément reconnu comme l’un des écrivains congolais les plus prolifiques du moment. De manière générale, ses écrits traitent souvent des problématiques sociales, politiques, économiques et écologiques. C’est ce qui ressort de sa dernière publication intitulée « Sarah, ma belle-cousine ». Dans ce roman, il s’intéresse aux questions de famille et de société, en s'appuyant sur une histoire d'amour taboue et complexe. D’entrée de jeu, le roman se distingue par son exploration des relations humaines dans un contexte de l’actuelle Afrique caractérisée et modelée par des influences extérieures.
 
L’intrigue tourne autour de la relation amoureuse entre deux cousins, ce qui est humainement et socialement réprouvé dans de nombreuses cultures africaines, dont celle du Congo. À travers cette histoire, Henri Djombo nous plonge dans les conflits entre les désirs individuels et les attentes sociales. L’histoire de Sarah et de son cousin est un véritable cas de conscience. En ce sens qu’elle pose un dilemme moral et en même temps qu’elle reflète les tensions entre les traditions et la modernité, tout en mettant en scène les pressions familiales et sociétales.
 
Le thème central du roman est l’amour interdit ou défendu. En se concentrant sur une relation amoureuse entre cousins, l’auteur brise un tabou social et invite à la réflexion sur la manière dont les traditions influencent les choix individuels. Cette question met en lumière le poids des conventions sociales. Une opposition entre ce qui est jugé comme une imposture par la société et ce que désirent librement les individus.
 
Au-delà de la thématique amoureuse, « Sarah, ma belle-cousine » soulève des questions sur la place de la famille, de l’honneur et le rôle des conventions dans la vie moderne africaine. L’auteur montre à travers ses personnages comment les individus peuvent être étouffés par les attentes sociétales, ce qui provoque quelquefois des tensions internes au sein des familles. C’est à peu près ce qu’écrivait Jean Paul Sartre : « L’enfer c’est les autres … », tandis-que « la liberté c’est nous ». Pour l’exprimer, Henri Djombo adopte un style d’écriture plutôt simple mais poétique, ce qui rend la lecture fluide. Il utilise des descriptions détaillées pour ancrer son récit dans un cadre africain très concret, tant du point de vue des paysages que des coutumes et des pratiques sociales. Ce réalisme contribue à donner de la profondeur à l’intrigue, ce qui permet aux lecteurs de s'immerger dans les dilemmes des personnages.
 
Le roman soulève également la question du développement de l’Africanie, un pays gorgé de richesses, tant du sol que du sous-sol et qui, cependant, manque de ressorts pour décoller. En effet, l’Africanie est gangrénée par moult méfaits, allant de l’insouciance de sa population à la corruption de son administration, en passant par la concussion et les passe-droits de tout acabit. Un pays presque en faillite où les infrastructures à tous les niveaux laissent à désirer, qu’il s’agisse de routes ; de chemin de fer ou des hôpitaux, voire l’éducation nationale. En somme, c’est le procès des pays, tels l’Africanie, qui s’étiolent inexorablement à cause de la vision étriquée des dirigeants. Cependant, certains lecteurs pourraient reprocher au roman le manque de complexité psychologique chez des personnages secondaires.
 

Le développement de la relation entre Sarah et son cousin, bien que central au récit, pourrait bénéficier d’un traitement plus nuancé pour explorer davantage les conflits intérieurs des protagonistes. Toutefois, l’auteur a réussi à ancrer son récit dans un cadre culturellement authentique avec des références aux traditions, aux coutumes et à la structure sociale de la plupart des pays africains. Pourtant, il ne se contente pas d'une simple représentation de la culture, il la questionne aussi. Le roman pousse le lecteur à réfléchir sur la pertinence de certaines normes sociales dans le contexte d’une Afrique moderne en pleine mutation.
 
En définitive, « Sarah, ma belle-cousine » est un roman qui, malgré son apparence simple, aborde des questions profondes et complexes. Il pousse le lecteur à s'interroger sur les conflits entre les traditions et la modernité sur le poids des attentes familiales et sur la capacité des individus à suivre leurs désirs tout en respectant les conventions sociales. Bien que l'intrigue soit parfois prévisible, Henri Djombo propose une œuvre sincère qui offre une belle réflexion sur la condition humaine dans un contexte africain. Ce roman, accessible et percutant, mérite d'être lu, particulièrement pour ceux qui s’intéressent aux dynamiques sociales en Afrique.
 
                                                                                                       
 

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Valentin Oko

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Édition Quotidienne (DB)

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