Léon Bemba

Cher Aîné. Nos chemins se sont croisés à l'Université Marien-Ngouabi au début des années 1990. Tu enseignais le « Secrétariat de rédaction » au département des Sciences et techniques de la communication (STC) de la Faculté des lettres, arts et sciences humaines- Flash- (les arts ne figuraient pas encore dans le programme de cet établissement alors abrégé FLSH). Je suis orienté en journalisme et donc ton étudiant jusqu'à la fin du cycle de licence.

Comment loger un article dans l'espace qui lui est dédié dans le journal ? Comment l'écourter quand il est jugé trop long ? Comment l'animer par un graphique, une photo ? Comment trouver un titre qui valorise la nouvelle, attire les regards et incite à la lecture ? Enfin, et ce n’est pas tout, comment faire partie d'une équipe rédactionnelle en accomplissant sa part de job ? Un peu de tous ces arguments constituait la matière à laquelle, à l’instar de tes collègues enseignants, tu étais attaché.

Un jour de 2011, bien longtemps après ma sortie, tu es venu aux Dépêches de Brazzaville m'entretenir sur divers sujets. Tu avais récupéré de la documentation pour tes recherches. Et tu me demandais de te suppléer dans ton enseignement, ton cours étant désormais intitulé " Pratique des genres de l'information et du commentaire ". Il t’a fallu insister longuement pour que je m'engage, à mon corps défendant, je dois le dire, dans cette aventure.

Et nous avons eu bien d'autres échanges, entre autres, sur le métier de journaliste, le nôtre ; sur la vie de la nation aussi. Tu avais été candidat de ton parti, le Parti congolais du travail, certainement aussi « indépendant » aux élections législatives ou locales dans une des circonscriptions du département du Pool, sans doute à Mindouli. Si cette bataille n’avait pas été couronnée de succès, tu as néanmoins occupé des fonctions importantes dans le pays.

Mais revenons à nos péripéties universitaires. "Médias et pouvoir politique au Congo Brazzaville, des origines à nos jours », ton ouvrage paru chez L’Harmattan, en 2014, que j’imaginais en partie puisé dans ta thèse de doctorat m'a beaucoup inspiré quand mon tour est arrivé de sauter le pas. L’abondante production des Dépêches de Brazzaville t'a beaucoup servi dans ton travail de recherche comme en témoigne son référencement dans ce livre.

Tu m’en avais remis un exemplaire accompagné d’une touchante dédicace : « Mon cher Émile, je suis très heureux que tu diriges l’action au quotidien de notre meilleur journal… tu as beaucoup de chance. Continue à la saisir ».

Historien à la base, tu as retracé la participation du Congo, ton pays, à la Première Guerre mondiale, dans un autre ouvrage fort documenté publié en 2013, aux Editions les Manguiers, et qui fut présenté devant un public constitué de chefs d’Etat, le 14 novembre 2018, aux Invalides à Paris. Quoi encore, cher Aîné ? Oui, une toute dernière indication : le 26 octobre, ta photo en illustration de ce "Fait du jour" a été transférée sur mon compte WhatsApp avec un message annonçant la triste nouvelle de ta disparition. Je la trouve représentative de ton caractère : calme !

C’était quelques jours seulement après le départ pour l'éternité de ton collègue en STC, le doyen Gaston Loubaki, que tout Bayardelle étudiant adulait…Autant dire que les souvenirs de ces moments d’émulation remontent avec émotion dans ma mémoire.

Adieu les bosseurs !