Tribaliste toi-même!

 La campagne électorale du scrutin présidentiel prochain ne devrait pas avoir commencé. Mais c’est tout comme. Néanmoins, quand elle sera officiellement lancée dans à peu-près 14 mois, nous entrerons dans une période de tumulte qui verra s’enchaîner meetings, carnavals, processions de toutes sortes sur le territoire national. Nous entendrons tant de paroles lâchées à ces occasions par les hommes et les femmes qui ambitionnent de prendre en main les destinées du Congo pour cinq ans à compter de mars 2026.

Comme chacun sait, les rendez-vous électoraux sont des moments de veille pour les dirigeants politiques. Bien plus encore lorsqu’ils se déclarent candidats à un scrutin majeur comme la présidentielle. Ils s’expriment, débattent, se débusquent, se dévoilent. Parce qu’ils se laissent aller à ce jeu, ils fournissent aux observateurs le matériau susceptible d’aider à les apprécier : volent-ils haut lorsqu’ils abordent les questions d’intérêt national ou sont-ils des acteurs minés par la rancœur ? Font-ils preuve d’un peu d’humour dans la lecture des événements ou sont-ils au contraire des hommes rigides comme du bois de fer, incapables d’admettre une opinion contraire ?

Depuis quelques jours, du haut de leurs atours de candidats putatifs ou déclarés à l’élection présidentielle prochaine, leurs prises de parole charrient des accusations de tribalisme. On a envie de dire « Tribaliste toi-même ! » quand on observe comment sont structurés leurs mouvements politiques. La grosse lacune héritée de la période qui vit naître les partis politiques, celle de la Conférence nationale souveraine de 1991. Il n’est pas question de la prendre pour une fatalité car à ce niveau des ambitions individuelles, un leader politique digne de ce nom doit être en mesure de rassembler au-delà de son vivier naturel.

On devrait pouvoir laisser nos « pauvres » tribus et ethnies tranquilles et se contenter de regarder ce que l’on doit offrir à la Nation congolaise. Partout où l’ethnie a voulu prendre le dessus sur le cercle vertueux de la Nation, rien de durable n’a été réalisé. Croire, en effet, que le futur président de la République, s’il est de votre ethnie, de votre village, ou de votre départements, déversera sur vous toutes les félicités imaginables, comme le Très-Haut déversa le Saint-Esprit sur Jérusalem le jour de la Pentecôte, est une utopie.

Dans ce Congo qui compte une soixantaine d’ethnies, aucune d’elles n’a des assises suffisantes pour élire son président et ensuite l’apprivoiser pendant longtemps. Il faudra plutôt qu’à l’occasion de l’élection présidentielle prochaine, les candidats, sans renier leurs attaches familiales, abandonnent le projet de société ethnique au profit du projet de société national. Ce serait le seul moyen pour eux de parler avec courage aux Congolais de tous les départements qui sont un seul et même peuple établi depuis des lustres sur ce territoire de 342 000 km².

Si tel n’est pas le cas, éminents présidentiables, s’il-vous-plaît, ne traitez pas autrui de tribaliste si vous ne regardez pas autour de vous-mêmes. Mais peut-être que cette problématique du tribalisme au sein de la société congolaise servirait mieux à être abordée dans un cadre plus posé ? Attendons !