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Armes chimiques et autres…

Vendredi 30 Août 2013 - 12:45

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C'est un pari fou pour un État quel qu’il soit, pour un régime si puissant soit-il, une rébellion fut-elle déterminée à en finir, d’avoir recours aux armes bactériologiques pour écraser un ennemi. C'est aussi une démarche incompréhensible de tolérer des massacres à grande échelle perpétrés au moyen d’armes blanches, lourdes ou de petit calibre, et en même temps, de s’émouvoir lorsqu’interviennent des agents plus sophistiqués pour atteindre les mêmes objectifs. Le martyre que vivent les populations civiles depuis deux ans et demi est illustratif de cet anachronisme dont fait preuve la communauté internationale dans le conflit syrien.

Depuis bientôt trois ans, nul ne semble s’interroger sur les causes réelles de la poursuite de l’escalade, personne n’a jamais voulu se préoccuper de mettre un terme à la guerre civile syrienne par des moyens autres que les armes. Si des initiatives de ce type ont pu avoir lieu,  elles n’ont pas fondamentalement dépassé le stade des annonces, les initiateurs se souciant beaucoup plus de leurs intérêts économiques et stratégiques dans cette région troublée mais très convoité du Proche-Orient. Or avant cette date du 21 août, devenue, aux yeux des puissances occidentales, celle du non-retour du fait de l’utilisation supposée d’armes chimiques par l’une des parties au conflit contre des civils à Damas, la guerre syrienne affichait à son tableau des décomptes entre soixante et cent mille morts.

On pourrait, peut-être, poser une question plus ou moins absurde : quelle différence y aurait-il entre  des hommes, des femmes et des enfants égorgés au coin d’une rue ou dont les corps sont soufflés par une bombe aveugle et ceux ou celles qui seraient intoxiqués par des armes chimiques ? Les experts en droit de la guerre trouveraient sans doute les arguments nécessaires pour quantifier le degré d’atrocité de  telles horreurs. Mais des familles exposées à ce genre de violences feraient difficilement la distinction entre l’une et l’autre mort ; elles inscriront plutôt dans leurs cœurs le fait que les leurs, des civils innocents, ont été forcés de payer de leur sang le prix d’un recours aux armes qu’ils n’avaient nullement provoqué, ni même désiré. L’exemple de l’Irak, pays où fleurissent comme des champignons les tombes d’innocents pris dans la tourmente de la raison du plus fort, le montre bien. Le cauchemar de la Libye, pays en passe d’emboîter le pas au premier cité, en témoigne avec éloquence.

Ne soyons pas dupes, ce qui vous lisez ici est une protestation vaine, « La plume n’a jamais émoussé l’épée », comme disait l’autre. Très bientôt, peut-être, la guerre civile syrienne prendra de nouvelles proportions pour devenir un conflit planétaire. Voici, en effet, comment les spécialistes du dossier classent les alliés et soutiens des deux camps : côté pouvoir, Bachar al-Assad compterait  sur l’Iran, les milices libanaises du Hezbollah, ainsi que celles du Front populaire de libération de la Palestine. On ne voit pas comment la Russie, la Chine et le Venezuela entreraient en guerre en cas d’attaque contre leur allié syrien, mais ces trois pays s’opposent déjà diplomatiquement et bien rigidement pour le cas de la Russie, à toute action unilatérale d’une éventuelle coalition contre le régime de Damas.

Côté rébellion : la Turquie, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Ligue arabe, le Hamas palestinien, des autonomistes kurdes seraient des soutiens en première ligne. Jusque-là rangés comme alliés diplomatiques en dépit de la présence signalée de techniciens de la CIA sur le terrain, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et le Canada s’affichent depuis quelques jours comme les têtes de pont d’une prochaine croisade militaire contre Bachar al-Assad. Le revers subi par David Cameron, le Premier Ministre britanique, qui n'a pu obtenir l'aval du parlement de son pays pour entrer en guerre ne dissuadera pas Américains et Français d'après les discours que l'on entend.

La guerre est commencée, comme on disait entre gosses pour s’amuser. Cette fois, en revanche, ce sera certainement une vraie guerre, avec des conséquences qui pourront s’étaler sur plusieurs années, quelle qu’en soit l’issue. L’Irak est là pour nous le rappeler. Encore une fois.

Gankama N'Siah

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