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L’inoxydable David Makondo

Vendredi 18 Octobre 2013 - 0:14

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Le poids de l’âge semble ne pas avoir de prise sur David Makondo, 83 ans cette année. Il est né le 30 août 1930 à Bohoulou, à 25 kilomètres de Mossaka. À 18 ans, il débarque à Brazzaville, le 14 août 1948. Menuisier, il travaille avec son frère avant d’entrer la même année à Radio Brazzaville à l’issue d’un concours, en compagnie d’autres jeunes gens : Ngombo Désiré, André Founa et Raoul Louamba, entre autres. Un autre Congolais, Louis Abokognongo, s’y trouve déjà. Il sera, des années plus tard, à la création de Radio Congo, le premier opérateur de son de la nouvelle station. Basile, un Français, est alors le directeur et Jean-Pierre David, le rédacteur en chef de Radio Brazzaville qui émet de la capitale de l’AEF (Afrique équatoriale française) jusqu’en 1972, sous la République populaire du Congo. Pour l’histoire, il faut rappeler que l’aventure de la radio au Congo a commencé à la fin des années 1930 par un radio-club dirigé par un certain Boileau.

Makondo David, Founa André, Ngombo Désiré et Louamba Raoul commencent leur apprentissage à Radio Brazzaville au service de transcription du morse, ancien système télégraphique dans lequel les lettres sont représentées par des groupes de points et de traits et séparées par des espaces. Ils recevaient les messages, les décodaient et les remettaient aux journalistes des différentes rédactions (française, anglaise, portugaise et espagnole) de la radio pour exploitation. Quand se développe le télétype, ils s’y mettent. Le télétype, ou téléscripteur, est un appareil qui permet d’imprimer des textes à distance à l’aide d’un clavier dactylographique. C’est l’outil de référence des rédactions, à cette époque, qui s’alimentent ainsi en dépêches.

Et, de fil en aiguille, à la faveur des innovations techniques, Makondo et ses amis s’adaptent aux nécessités de fonctionnement de la structure radiophonique. Cette mutabilité de l’outil de travail en fait de véritables polyvalents. Il n’est donc pas étonnant qu’à la fin, ils se retrouvent au service technique après une formation in situ auprès des professionnels français. C’est fort de cette expérience acquise sur le terrain qu’ils intègrent Radio Congo, créée le 25 avril 1960. Raoul Louamba décède quelques années après. Un studio portera son nom, en guise de reconnaissance. Ngombo Désiré, quant à lui, avait très tôt bifurqué vers l’administration en devenant sous-préfet.

À mon arrivée à la radio, en 1976, je trouve en poste David Makondo qui était alors chef du service BF (basse fréquence), s’occupant principalement de la maintenance des équipements. Il a servi de tuteur à toute une génération d’ingénieurs et de journalistes bardés de diplômes universitaires ou professionnels. Lors de mon stage d’imprégnation qui consiste, en fait, à faire le tour des différents services de l’institution, il me montrera les arcanes de l’émission radio, du studio en passant par le CDM (centre de modulation) qui envoyait les signaux aux émetteurs du Djoué, de Mpiaka ou de Mpila pour diffusion. Le Congo disposait de puissants émetteurs qui en faisaient, à l’époque, une puissance radiophonique qui a pu relayer avec succès les combats du MPLA (Mouvement pour la libération de l’Angola) d’Agostinho Neto et de la Swapo (Parti de libération du Swaziland, actuelle Namibie) de Sam Nujoma.

J’ai découvert, par la même occasion, André Founa, un autre « vieux de la vieille » école radiophonique, qui exerçait le métier de preneur de son. J’ai le souvenir de nombreuses émissions réalisées avec lui. La disponibilité et la conscience professionnelle sont les caractéristiques communes de ces deux anciens de la radio, qui avaient été à bonne école, où les primes et les sanctions formaient un couple dynamisant. Devoirs et droits sont, en effet, à la base du fonctionnement des organisations. Pendant les quelques années passées à la radio, j’ai vu s’effriter comme peau de chagrin les devoirs au profit des droits. Le travail, euthanasié par le laxisme ambiant, perdait progressivement sa fonction d’émancipation de l’homme.

J’ai eu récemment un entretien avec David Makondo, pour les besoins de ce papier. Droit comme un i, inoxydable, en dépit de son âge avancé. Je l’ai connu avant de le retrouver à la radio, en 1976, à mes débuts dans le journalisme audiovisuel. Poto-Poto était alors un grand village où tout le monde, jeunes et vieux, se connaissait. Retraité en 1985, David Makondo vit toujours dans ce quartier, rue des Martyrs (anciennement rue des Gabonais). Bon vent, Vieux !

Mfumu

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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