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L’incursion angolaise à Kimongo

Lundi 28 Octobre 2013 - 0:05

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Non seulement les Congolais l’ont mal vécue, mais ils se sont demandé pourquoi l’Angola, un pays frère avec lequel le Congo a traversé tant d’épreuves, s’était laissé aller à cette démonstration de force injustifiée. Riche de ses potentialités humaines et de ses ressources naturelles, pauvre en tout au regard de la misère dans laquelle croupissent ses habitants et des défis qu’elle doit relever sur le chemin de son intégration et de l’émergence, l’Afrique a-t-elle intérêt à privilégier le recours aux armes chaque fois qu’un problème se pose à l’une des tortueuses frontières de ses micro-États ?

À l’adresse des médias qui l’acculaient littéralement au sortir de son audience le 17 octobre avec le ministre des Affaires étrangères, Basile Ikouébé, avec lequel il avait discuté de la situation créée par l’enlèvement de soldats congolais chez eux, à Kimongo, l’ambassadeur d’Angola au Congo, Fernando Pedro Mavunza, a estimé que la presse grossissait les faits. Il ajoutait que Brazzaville et Luanda ont toujours entretenu de bonnes relations, renforcées par l’intégration régionale. Ce qui est vrai. En outre, les Congolais comme les Angolais retiennent aussi cette solidarité sous-tendue par leur histoire commune. On pourrait recourir aux symboles de cette amitié en rappelant, par exemple, que l’aéroport international de Pointe-Noire, capitale économique du Congo, porte le nom du père de l’indépendance angolaise, Antonio Agostino Neto, et que de nombreux établissements de l’enseignement public à Brazzaville portent ce même nom.

Le 18 octobre, le soulagement était grand de ce côté-ci, lorsque fut annoncée la libération de la quarantaine de soldats congolais par les troupes angolaises installées à Cabinda, au terme d’âpres pourparlers entre les deux parties. Il demeure que la pilule a eu du mal à passer ici, dans la mesure où, depuis toujours, le Congo et l’Angola ont évité que se produise entre eux ce genre de traquenard. En apparence, pour montrer que cet incident était anodin, les officiels des deux pays, qui auraient pu produire pour la gouverne de leurs concitoyens une communication expliquant les tenants et aboutissants de l’accrochage de Kimongo, sont restés à quia.

Comme souvent, radio-trottoir a pris la relève pour recréer le monde en parlant de contentieux lointains non résolus entre Brazzaville et Luanda, en tournant et retournant sans étayer le propos les accords pétroliers sur le puits de Lianzi, pour lequel un arrangement exemplaire portant sur le partage à parts égales des ressources générées par l’exploitation de ce gisement avait été trouvé entre les deux gouvernements. Chacun sait ce qu’est la rumeur : elle prospère sur un terrain défriché qui ne comporte aucune borne, ou sur un champ en jachère dont personne ne revendique la propriété.

Par-delà ces rumeurs invraisemblables, les paroles entendues à Brazzaville durant cet épisode rocambolesque ont éveillé les souvenirs des années passées. L’Angola n’était pas encore ce qu’il est devenu aujourd’hui et sombrait dans une guerre d’occupation que le Congo-Brazzaville prenait fait et cause pour lui jusqu’à son indépendance, le 11 novembre 1975. Déchiré à son tour par un conflit civil meurtrier, le Congo-Brazzaville reçut de l’Angola un appui décisif qui, quoi que l’on dise, permit d’abréger la souffrance des populations civiles. Personne ne comprend dès lors qu’un tel pacte d’amitié et de solidarité soit menacé d’implosion du jour au lendemain. Personne ne s’explique le fait que, n’eût été la retenue salvatrice des soldats congolais qui ont laissé faire, les armes auraient peut-être pris le dessus, du sang aurait été versé.

Effectivement, devant le mutisme des officiels, le citoyen lambda d’Angola et du Congo se perd en conjectures. De part et d’autre, des appréhensions subsistent et l’on ose croire qu’à l’avenir, Luanda et Brazzaville rejetteront tout recours à la force armée là où le dialogue doit demeurer l’indispensable choix du développement et de la prospérité des deux peuples.

Gankama N’Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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