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La France de retour en son ancienne Afrique

Lundi 2 Décembre 2013 - 6:34

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Au Mali, puis en Centrafrique, presque pour les mêmes motifs, et ce en l’espace de dix mois, la France est en guerre pour la restauration de la paix et de l’État de droit. Le premier théâtre d’opérations de cet engagement décisif, le Mali, n’est pas encore totalement pacifié que Paris, qui continue de nettoyer les fiefs djihadistes au nord de ce pays, a décidé de s’attaquer à l’imbroglio centrafricain. Ce sera peut-être aussi long qu’en terre ouest-africaine, mais la France peut se prévaloir de bien connaître le terrain « centre-africain » au sens large du terme, du fait d’y avoir toujours disposé de personnels en treillis.

Dans l’un et l’autre cas, il faut retenir qu’au cœur des relations qui lient la France à ses anciennes colonies d’Afrique francophone, qu’ils viennent de la droite ou de la gauche française les discours officiels émis de l’autre côté de la Méditerranée rateront toujours leur cible chaque fois que ceux qui les prononcent ou les rédigent refuseront de voir la réalité en face. Celle qui enseigne que les deux parties ne peuvent s’ignorer. Ex-puissance colonisatrice d’un vaste ensemble dont elle a en commun la langue, la France s’est souvent montrée perplexe dans la définition de sa politique dédiée à son espace « utile » sur le continent noir. Tantôt elle accompagne avec intérêt les bouleversements qui s’y produisent, tantôt elle s’exclame : « Advienne que pourra ! »

Tenez : lorsqu’éclate la crise centrafricaine, fin 2012-début 2013, un peu haut, le président français, François Hollande, avait vite écarté toute hypothèse de voir son pays intervenir. À sa décharge cependant, cinquante ans après leurs indépendances, il est indispensable que les pays africains se dotent d’outils de défense commune. On ne peut leur pardonner de se laisser aller à des déchirements ethniques ou religieux, de multiplier des guerres pour le pouvoir au détriment du développement et du bien-être qu’attendent leurs peuples. Cela n’enlève rien à la responsabilité de cette France tutélaire qui a été de toutes les mutations, bonnes ou mauvaises, enregistrées au long du dernier demi-siècle dans ses anciennes colonies.

Il suffit d’interroger les archives de l’histoire partagée par la France et le continent pour se rendre à l’évidence que même lorsqu’elle a célébré avec un certain faste et une certaine idée de liberté le cinquantenaire de la création de son organisation continentale, l’Union africaine, en juin dernier, l’Afrique n’a pas encore franchi le pas vers sa pleine souveraineté. Ce constat vaut naturellement pour les États déclarés indépendants dans le courant de l’année 1960, qui fêtèrent en 2010 avec quelque orgueil le cinquantième anniversaire du départ du colon.

Dans un monde où les défis sécuritaires vont de pair avec les défis environnementaux, économiques et sociaux, les forces armées, de police et de gendarmerie du continent n’ont souvent servi, en cas de conflits internes aux États, qu’à s’émietter pour le compte des politiques. La France sait, peut-être, qu’en cinquante ans, son expérience en matière militaire n’a pas permis aux armées des pays de son ancien giron colonial de devenir de véritables instruments de défense nationale. D’où le délitement de ces forces à la moindre secousse sociopolitique.

À présent, le devoir qui incombe à l’ex-puissance colonisatrice d’intervenir comme elle l’a fait au Mali et maintenant en Centrafrique, après la calamiteuse expédition en terre inconnue libyenne, serait aussi de prolonger ce contrat dans l’aide qu’elle devrait apporter à la construction des armées nationales africaines. Dans le cas contraire, elle se trouvera toujours dans le rôle de gendarme dans ses ex-colonies aussi longtemps que le désordre profitera de la faiblesse des institutions de ces dernières. Saluons néanmoins le fait que certains dans l’Hexagone se soient rendu compte qu’en raison de ses liens historiques avec l’Afrique, la France échappera difficilement aux malheurs qui la frapperont.

On devrait ici battre en brèche l’opinion de ceux qui crient à la recolonisation française dans les cas malien et centrafricain, car ils ignorent qu’en réalité Paris n’est jamais parti. Et nul ne le demande davantage. Ce qui manque au pays de Charles de Gaulle, c’est simplement de savoir comment poursuivre sa coopération avec ses partenaires africains dans un environnement qui a changé, et qui exige de lui de ne plus agir comme il y a plus de cinquante ans.

Gankama N’Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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