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Où va l’Église du pape François ?

Lundi 2 Décembre 2013 - 7:14

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Cette question, chacun à Rome, où ces quelques lignes ont été écrites, la pose ou se la pose. Car le successeur de Benoît XVI, six mois après son élection imprévue par le Sacré Collège, ne cesse de surprendre les dignitaires qui l’entourent. Par ses actes comme par ses discours, il marque une rupture dans la gouvernance de l’Église qui ne peut manquer de modifier, à terme plus ou moins rapproché, le comportement des cardinaux, des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses, mais aussi celui des fidèles eux-mêmes.

Le premier changement, peut-être le plus essentiel, est l’ouverture de la cité du Vatican vers le monde extérieur. Jusque-là dominé peu ou prou par le clergé italien, le plus petit État de la planète, car c’est bien d’un État qu’il s’agit, se trouve engagé dans un mouvement qui tend à donner aux communautés chrétiennes du monde entier la place qui leur était jusqu’à présent refusée dans ses différentes institutions. Une entreprise qui n’est pas sans risque tant est puissante, organisée, influente, ancienne la présence des cardinaux et des évêques issus de l’Ancien Monde, tout spécialement de l’Italie, mais qui, si elle est menée jusqu’à son terme, constituera un tournant majeur dans l’histoire de l’Église.

Le deuxième changement concerne la maîtrise des finances du Vatican. Il paraît peut-être secondaire à nombre de fidèles qui voient dans l’Église une puissance spirituelle, mais il est en réalité tout aussi fondamental puisqu’il permet à l’Église catholique d’être présente partout dans le monde, de résister à l’usure du temps, de protéger ses actifs mobiliers et immobiliers, d’assister les populations éprouvées, bref d’être une puissance temporelle avec laquelle chacun doit compter. Clarifier les modes de gestion et mettre de l’ordre dans l’utilisation du trésor accumulé par la papauté au fil des siècles est perçu clairement par le nouveau pape comme une tâche prioritaire dont il mesure pleinement les risques.

Le troisième changement est la prise en compte par les plus hautes autorités de l’Église du basculement de la planète vers le Sud. Basculement démographique bien sûr, mais aussi basculement stratégique puisque l’Afrique, l’Amérique latine, l’Asie se font entendre avec une voix de plus en plus forte sur la scène internationale. Vues de Rome, l’Europe et l’Amérique du Nord demeurent, certes, des entités riches, puissantes, donc incontournables, mais elles sont perçues comme déclinantes sans que cela soit dit clairement parce qu’en proie à des crises matérielles, sociales, morales qu’elles auront le plus grand mal à surmonter.

D’où le quatrième changement qui se dessine dans la gouvernance de l’Église avec une autonomie accrue des diocèses sur les cinq continents, et tout particulièrement dans les pays émergents, autonomie qui n’est pas encore visible mais dont on peut être certain qu’elle sera l’un des apports majeurs de ce pontificat. Ayant présidé aux destinées de la communauté chrétienne d’une des cités les plus grandes et les plus peuplées du continent sud-américain le pape François sait par expérience que les prêtres et les évêques doivent vivre au plus près des fidèles s’ils veulent être entendus, écoutés. C’est sans doute ce qui explique la simplicité affichée de son comportement et de ses propos lors de ses apparitions publiques.

De tels changements ne se feront pas sans difficulté étant donné la pesanteur des institutions religieuses et les aigreurs qu’ils ne peuvent manquer de générer, notamment au sein de la Curie romaine. Pour dire les choses crûment en usant d’une formule populaire, le 266e pape de l’histoire et le premier pape issu de la Compagnie de Jésus mange actuellement son pain blanc. S’il persiste dans sa volonté de réformer l’Église dont il a désormais la charge, il devra faire preuve d’une volonté, d’une constance, d’une habileté dont peu de ses prédécesseurs se sont montrés capables avant lui.

Une certitude s’impose donc à ce point du raisonnement : pour réussir dans son entreprise et réformer effectivement l’Église, le nouveau pape devra mobiliser autour de lui tout ce que la planète compte de forces jeunes et novatrices. Dans un pareil contexte, l’Afrique peut et doit jouer un rôle décisif. En a-t-elle conscience? Y est-elle résolue ?

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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