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Mali-Centrafrique : mieux vaudrait regarder la vérité en face

Lundi 16 Décembre 2013 - 2:38

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Que la France se préoccupe de ce qui se passe dans son ancien pré carré au point d’y intervenir militairement à la demande de ses partenaires africains n’a rien qui puisse surprendre, ni choquer. En agissant comme elle l’a fait hier au Mali, aujourd’hui en Centrafrique elle répond à des nécessités présentes, mais assume aussi des responsabilités que sa longue histoire avec le continent a rendues incontournables. Ce n’est par conséquent qu’un juste retour des choses.

Tout le problème est de savoir si les forces qu’elle déploie sur le terrain ont une chance sérieuse de résoudre les problèmes qui ont conduit à ces interventions musclées. Et malheureusement, dans ce domaine, le plus grand doute est permis dans la mesure où les moyens employés ne sont manifestement pas à la dimension des crises qu’il s’agit de gérer. Cela pour au moins deux raisons :

1. L’utilisation d’outils sophistiqués tels que des avions, des hélicoptères, des blindés, des mitrailleuses lourdes et des drones armés ou pas ne saurait mettre fin à des conflits dont le caractère ethnique ou religieux est de jour en jour plus évident. Elle peut, pendant quelque temps et sur un territoire limité, mettre fin aux violences qui déciment les populations civiles. Mais elle n’a aucune chance d’instaurer une paix durable là où sévit la guerre civile. Que ceux qui en doutent considèrent les échecs cuisants subis ces dernières années par les forces armées occidentales en Irak et en Afghanistan. Ils seront édifiés ;

2. Ce genre de conflit, le Congo en sait quelque chose, ne peut se résoudre que de l’intérieur même du pays où il éclate. Croire qu’une intervention militaire extérieure pourra réconcilier les frères ennemis relève purement et simplement de l’utopie. Ce type d’action parviendra tout au plus à suspendre un moment les violences, mais tôt ou tard, lorsque les unités déployées sur le terrain auront regagné leurs casernes lointaines, l’usage de la force reprendra le dessus et la guerre civile ravagera de nouveau le pays. C’est très précisément ce qui se passe au Mali où, contrairement aux apparences, rien n’est résolu là où les forces françaises sont intervenues.

Ce que devraient comprendre les puissances qui suivent avec attention l’évolution de l’Afrique, c’est qu’il ne sert à rien, ou presque, de séparer les combattants si, dans le même temps, l’on ne se préoccupe pas de porter remède aux maux qui se trouvent à l’origine des conflits. Or sur ce terrain rien n’est véritablement entrepris, comme le montre l’exemple de la République centrafricaine dont tout le monde savait depuis longtemps qu’elle se trouvait au bord de l’implosion du fait de son sous-développement et de la misère dans laquelle sont tenues ses populations, mais que les grandes puissances n’ont pas aidée à gérer ses contradictions.

Croire que des élections, au terme d’une campagne militaire plus ou moins longue, ramèneront la paix dans un pays livré au chaos est une utopie dangereuse à laquelle seuls des bureaucrates et des responsables politiques détachés du réel peuvent croire. Que cela plaise ou non aux théoriciens qui ne prennent aucun risque en dévidant à l’infini des idées aussi généreuses qu’illusoires, la seule solution est l’instauration à Bangui d’un pouvoir fort, géré par des hommes et des femmes de caractère à qui la communauté internationale fournira les moyens de ramener la paix, mais aussi de cheminer sur la voie du développement durable. La crise qui frappe la Centrafrique ne peut être résolue que par les Centrafricains.

Dans le moment présent, c’est cette réflexion-là que devraient mener les puissances comme la France qui s’efforcent généreusement de mettre un terme aux tueries sur le sol africain. Mais leurs dirigeants en ont-ils conscience et sont-ils prêts à soutenir l’émergence d’un État fort à Bangui en lui apportant l’argent, les armes, les compétences nécessaires ? Ont-ils pris le temps de lire avec attention le projet que leur a remis à ce propos Denis Sassou-N’Guesso lors du récent sommet de l’Élysée ?

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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