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Psychose

Lundi 23 Décembre 2013 - 2:43

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Pour avoir vécu le pire au cours de l’avant-dernière décennie, les Congolais ont acquis un réflexe infaillible : s’il survient un trouble à l’ordre public de nature à occasionner des pertes en vies humaines, il faut quitter les lieux au plus vite, tout abandonner au besoin, l’essentiel étant de garder ses jours saufs. Le 16 décembre, quand a éclaté la fusillade au cœur du grand quartier général des forces armées congolaises où se déroulait le siège du domicile du colonel Marcel Ntsourou, cet automatisme a fonctionné à merveille parmi les Brazzavillois.

Fonctionnaires, commerçants, manutentionnaires, vendeuses, élèves, étudiants et promeneurs solitaires avaient en effet décidé, à pied ou en voiture, d’évacuer bureaux, marchés, classes et rues pour gagner leurs résidences habituelles sans parfois savoir, ou même chercher à savoir, ce qui se passait réellement. Il est vrai que la veille, sur la foi de déclarations d’officiels des forces de sécurité, les médias avaient signalé un échange de tirs entre une patrouille de police et des individus dont le signalement n’était pas révélé. La scène avait eu lieu au Plateau des 15-Ans, à Moungali, le quatrième arrondissement de Brazzaville. Les versions entendues allaient du braquage d’un commerce à l’agression délibérée de policiers en service.

« Bandits armés », comme cela était dit, l’expression peut désigner de simples braqueurs en quête de prébendes l’avant-veille des fêtes de fin d’année, ou encore de groupuscules organisés, déterminés à en découdre avec l’ordre établi. Dans les deux cas, la force publique a l’obligation de rétablir la quiétude. Mais en l’absence de précisions sur la provenance des assaillants, le message des autorités de police appelant le même jour la population à « vaquer librement à ses occupations » avait rassuré l’opinion. Pour un temps finalement, si l’on considère la soudaine remontée de tension le lendemain matin. Des personnes mieux informées avaient néanmoins soupçonné ce retournement dès lors que les forces de l’ordre s’étaient nuitamment déployées sur le lieu supposé du repli des réfractaires du Plateau des 15-Ans.

Le dénouement du 16 décembre étant celui que tout le monde a vu, il importe ici de signaler un fait majeur qui concerne la population civile congolaise : elle est lasse de la guerre et refuse de revivre les années de sang qui l’ont tant endeuillée. Dans une  certaine mesure, on peut dire qu’elle est fatiguée de ne pas savoir que demain sera un jour meilleur, qu’ayant consenti de lourds sacrifices sur le chemin du retour à la tranquillité, elle n’est toujours pas au bout de ses peines. Elle partage les mêmes appréhensions avec ces hommes d’affaires, si nombreux, qui ont choisi d’investir au Congo en tablant sur la stabilité retrouvée, avec ces diplomates qui ont longtemps témoigné du retour de la paix dans le pays, avec les États voisins qui citent Brazzaville et ses institutions en exemple pour avoir su rebâtir la nation après de longues années de déchirements.

La population civile congolaise a montré à travers la course qu’elle a engagée dans les rues de la capitale – qu’elle était d’ailleurs prête à abandonner pour l’intérieur du pays, voire pour Kinshasa la voisine aussitôt l’éclatement des tirs le 16 décembre – qu’elle n’en peut plus de vivre dans la psychose des violences armées.

Gankama N’Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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