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Djotodia s’est frayé une sortie

Lundi 20 Janvier 2014 - 0:20

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Dans la nuit du 23 au 24 mars 2013, à la tête de la rébellion de la Séléka il prenait ses quartiers à Bangui, la capitale centrafricaine, scellant de fait le sort du président François Bozizé. On appelle cela prendre le pouvoir par les armes, et, par les temps qui courent, entrer dans l’histoire par la petite porte. Dans la maison Centrafrique qu’ils venaient de conquérir, les nouveaux maîtres ont eu de la peine à disposer leur mobilier : pas d’argent pour nourrir les bouches centrafricaines, pas assez de punch pour discipliner les hommes habillés venus pour certains de très loin, pas de crédibilité suffisante pour se faire adopter par d’éventuels donateurs qui leur auraient apporté l’aide nécessaire, et donc pas d’avenir du tout. La sagesse africaine l’enseigne : « Il ne faut pas se donner la peine de retenir un bananier qu’arrache le vent. »

Quatre mois, à peine quatre mois : telle est la période durant laquelle Michel Djotodia a officiellement exercé à la tête de son pays en tant que chef d’État de la transition. Si, en effet, le régime du coup d’État s’était installé très tôt en début d’année, les nombreux obstacles de légitimité qui jonchaient son parcours n’avaient permis à l’ex-nouvel homme fort de Centrafrique de prêter serment et d’être reconnu par la communauté internationale que le 18 août. Michel Djotodia Am Nondroko s’était offert pendant ce laps de temps très court quelques voyages « présidentiels » hors des frontières de la Centrafrique, jouissant alors du statut particulier des chefs d’État reçus avec les honneurs par leurs homologues. De N’Djamena à Brazzaville, en passant par Libreville, Yaoundé, Ouagadougou, ou ailleurs, sa stature de président de la République avait commencé à prendre.

On pourrait toujours avoir à redire sur le dénouement intervenu à N’Djamena où se jouait le sort de la Centrafrique. La première chose est de noter l’intransigeance dont ont fait preuve les dirigeants des pays de la Cééac en enjoignant aux notabilités du régime de transition en Centrafrique de répondre de leurs responsabilités. Intransigeance, mais aussi touche diplomatique appréciable pour éviter une humiliation à Michel Djotodia, au Premier ministre Nicolas Tiangaye et donc à la Centrafrique. Tel serait le cas si les successeurs des deux têtes de l’exécutif de transition étaient désignés dans la capitale tchadienne. Le fait pour les chefs d’État présents à N’Djamena de placer le Conseil national de transition (Parlement transitoire) au cœur des tractations sur le choix des nouvelles autorités témoigne du sens aigu de pondération dans l’arbitrage effectué par la Cééac. Qui persiste donc à croire que l’Afrique n’est pas capable de résoudre ses problèmes elle-même ?

Cela dit, il ne faut pas examiner l’abdication de Michel Djotodia en considérant la seule position de l’homme à bout de souffle et sans soutien qu’il était devenu en quatre mois de pouvoir. Environné par tant de défis, le leader de la Séléka pouvait parfois se demander à quoi avait servi de marcher sur Bangui s’il ne pouvait même pas offrir la moindre goutte d’eau à ses compatriotes. Mais on a vu dans sa situation des ex-chefs de guerre qui, mis devant le fait accompli, pouvaient jouer les aventuriers en refusant de rallier les décisions d’un tel sommet, agiter la perte de privilèges parmi les siens et, au besoin, prendre le maquis. Or avant même de se rendre à N’Djamena, le 8 décembre, l’ancien président de transition centrafricaine avait exprimé sa volonté de « laisser tomber ».

A-t-il peut-être été averti qu’une quelconque absence de collaboration de sa part susciterait un retour de manivelle du genre extradition vers la Cour pénale internationale ? Qu’importe ! La vérité est qu’il n’a pas officiellement opposé la moindre réticence à quitter la scène. Lui à qui l’on prêtait une intention inavouée de rester, lui aussi qui aurait pu profiter d’une transition initiale de dix-huit mois définie par les accords de Libreville (11 février 2013) pour étoffer un peu plus son carnet d’adresses.

À défaut d’être entré dans l’arène centrafricaine par la porte qui convient, Am Nondroko en est sorti par la bonne. Comme tous les anciens dirigeants politiques ayant occupé une haute responsabilité en Centrafrique, il lui reste peut-être à réfléchir à deux choses essentielles : son avenir personnel et celui de son pays. Les deux vont de pair en fonction de la priorité que l’on accorde à l’une ou à l’autre dans les actes que chacun d’eux doit accomplir sur le chemin du futur de son pays.

Gankama N’Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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