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Le temps du réalisme

Lundi 10 Mars 2014 - 0:33

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Les événements qui se déroulent en Ukraine confirment ce que nombre d’observateurs qualifiés avaient prédit depuis longtemps, à savoir qu’un nouvel ordre mondial s’instaure sous nos yeux, bien différent de celui qui gouvernait jusqu’à présent la planète. Résumés de façon schématique, les rapports de force entre les nations et les continents se modifient, en effet, de la façon suivante.

1. La prééminence des puissances occidentales née de l’effondrement du bloc communiste au début des années 1990 s’effrite inexorablement. En témoigne l’impuissance que traduisent les gesticulations des États-Unis et de l’Union européenne dans les crises syrienne et ukrainienne. L’effritement que nous constatons est dû, pour une part, à la crise économique et financière générée par les excès de l’ultra-capitalisme qui ont révélé les failles du système à la face du monde. Mais il est dû aussi à l’incapacité dont font preuve les gouvernements occidentaux dans la gestion des crises qui secouent le monde et mettent cruellement en évidence leur paralysie.

2. Dans le même temps, les puissances qui semblaient vouées pour longtemps au déclin, la Chine et la Russie au premier rang, regagnent le haut du pavé. Elles reconstituent autour d’elles les sphères d’influence que semblait avoir détruites la victoire idéologique remportée par les puissances occidentales et n’hésitent plus à exhiber leurs muscles afin de neutraliser leurs adversaires. Ce qui se passe actuellement en mer de Chine méridionale et en Crimée traduit de façon claire la volonté de Pékin et de Moscou de réaffirmer leur prépondérance sur les zones géographiques qui les entourent. Quoi que fassent les États-Unis et l’Europe, ce mouvement apparait aussi irréversible que l’avait été la chute du communisme à la fin du siècle dernier.

3. De l’affrontement, qui ne dit pas son nom, entre les grandes puissances de l’Est et de l’Ouest peuvent naître des crises politiques graves, voire des guerres plus ou moins larvées. Mais les gouvernements des deux bords y regarderont à deux fois avant de se lancer dans des aventures qui mettraient à mal leur prospérité présente. Dans un semblable contexte, une nouvelle « guerre froide » n’est pas impossible, mais il est peu probable, sinon carrément improbable qu’elle débouche sur des affrontements armés. Instruit par l’expérience, chaque camp cherchera dans les années à venir à renforcer sa domination sur les pays qui l’entourent plutôt que de se lancer dans des affrontements militaires dont nul ne sait ce qui pourrait sortir.

4. Ce que l’on peut en revanche tenir pour certain, c’est que les grandes puissances vont s’attacher à renforcer leur présence dans ce que l’on appelait jadis le « tiers-monde » et que l’on désigne aujourd’hui sous le nom de « monde émergent ». Ne pouvant s’affronter les armes à la main, les « grands » chercheront dans les prochaines décennies à s’imposer, en Afrique, en Asie, en Amérique latine, comme des acteurs incontournables du développement. Cela pour la simple et bonne raison que ces trois continents détiennent l’essentiel des ressources naturelles de la planète, que leur masse humaine en fait un gigantesque marché dont personne ne saurait se désintéresser, que le développement des nouvelles technologies accélérera fortement leur développement tout au long de ce siècle.

5. Dernier point de ce survol rapide du nouvel équilibre mondial qui se dessine, les grandes puissances, toutes les grandes puissances et pas seulement les puissances occidentales, qui avaient fait des grandes institutions internationales un instrument de domination, vont se trouver contraintes de faire une place aux nations du monde émergent au sein de ces mêmes organisations. Cela veut dire qu’une réforme en profondeur de l’Organisation des Nations unies, du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, de l’Unesco, de la FAO et d’autres institutions internationales s’opèrera avant la fin de la présente décennie.

Le temps du réalisme est venu. Voyons si les nations émergentes sauront tirer profit du rééquilibrage des relations internationales qui se profile à l’horizon.

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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