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Les faits sont sacrés

Vendredi 14 Mars 2014 - 0:59

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Pendant 48 heures, du 17 au 19 février 1991, le président Denis Sassou-N’Guesso a reçu à Brazzaville Nelson Mandela, fraîchement libéré de prison. C’est un fait irréfragable et irrécusable. Les faits sont sacrés, les commentaires libres. On l’apprend dans toutes les bonnes écoles de journalisme. Ce qui ne signifie nullement qu’on peut les triturer pour les mettre au service d’une cause nihiliste ou révisionniste. Ci-après, quelques exemples de manipulation.

La concertation pour la mise en place d’une commission préparatoire de la Conférence nationale venait de prendre fin quand Mandela effectua sa visite à Brazzaville. En pleine convulsion politique pré-conférence nationale, ce fait a été récupéré par certains mécontents pour tenter de faire accroire à une instrumentalisation, par Sassou N’Guesso, de l’icône de la lutte contre l’apartheid pour se refaire une santé. Un raccourci. La raison d’État doit-elle disparaître dans les décombres de la lutte politique ?

Cette visite de Nelson Mandela est aussi indiscutable que la signature du protocole de Brazzaville le 13 décembre 1988. À ce sujet, Le Monde du 14 décembre écrit : « Le protocole de Brazzaville conclu entre les représentants de Cuba, de l’Angola et de l’Afrique du Sud, sous l’égide américaine, a été signé mardi 13 décembre. Le texte prévoit la mise en application de la résolution 435 des Nations unies sur l’indépendance de la Namibie au 1er avril prochain. Cet accord sera officiellement entériné le 22 décembre à New York par la signature d’un traité tripartite (Angola, Cuba et Afrique du Sud) et bipartite (Cuba et Angola), qui sera ensuite approuvé par le Conseil de sécurité des Nations unies. » En effet, comme l’a expliqué récemment Jean-Yves Ollivier, lors des commémorations des 25 ans du protocole de Brazzaville, pris dans un cul-de-sac, il n’a eu d’autre alternative que de se tourner vers Denis Sassou-N’Guesso pour tenter d’en sortir. Heureux réflexe, qui lui a permis de faire avancer les négociations.

New York, où est signé l’accord définitif, devient la référence dans les médias occidentaux. Le rôle de Brazzaville est occulté. Il semblait de bon aloi, au nom de la vérité historique, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire, de rétablir les faits dans leur authenticité. Évidemment, au déplaisir de certains. Le 1er septembre 1992, le président sortant, Denis Sassou-N’Guesso, déclare, après la passation des pouvoirs avec son successeur, Pascal Lissouba, qu’il quitte ses fonctions avec satisfaction devant la poursuite du processus démocratique. « Je suis chef d’un parti et je ferai tout pour qu’il vive le mieux », conclut-il. Sassou-N’Guesso promet son soutien à Lissouba. On a oublié ce fair-play démocratique. « La grande défaite en tout, écrivait Céline, c’est d’oublier, et surtout ce qui nous fait crever. »

À chaque rappel des faits historiques, à l’instar des politiciens professionnels, les adeptes forcenés des réseaux sociaux, souvent les mêmes d’ailleurs, réagissent mal, avec une certaine brusquerie qui laisse songeur. Ces réseaux sont désormais les instruments, comme le dit Bernard Cazeneuve, « des formules brèves au service des idées courtes ». Capables du meilleur comme du pire, ils sont devenus un extraordinaire relais de désinformation sous le couvert de l’anonymat. L’honnêteté se dissout dans ce fascisme de la toile.

Certes, il y a encore des choses qui ne vont pas comme on peut le souhaiter au Congo. Mais s’enfermer dans une attitude de déni systématique de la réalité, en dépit de certaines avancées et en dévoyant les faits, relève de la mauvaise foi évidente et du crépuscule de la pensée. Ces mécontents endémiques, surtout, ceux qui ont parfois le courage d’assumer leurs propos, n’existent qu’à travers leurs critiques inintelligentes, qui n’empêchent pas chez eux la persistance d’un très profond sentiment de supériorité. Paradoxal. Dans notre pays, hélas, les faits ont perdu leur caractère sacré, entretenant les haines d’ignorance.

Mfumu

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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