Guerre froide ?

La Crimée ayant confirmé dimanche, comme on pouvait s’y attendre, sa volonté de rompre avec l’Ukraine et de réintégrer la Russie, la question qui se pose maintenant est de savoir comment l’Europe et les États-Unis vont s’y prendre pour rétropédaler en cessant de proférer des menaces dont ils savent pertinemment qu’elles ne modifieront nullement l’attitude du président Vladimir Poutine. Ayant perdu une bataille diplomatique qu’ils n’avaient aucune chance de gagner, leurs dirigeants peuvent maintenant emprunter deux voies opposées.

La première les conduirait à tenter de gagner dans le domaine économique ce qu’ils ont raté sur le plan politique en adoptant une série de sanctions qui viseraient directement le portefeuille des Russes haut placés. Possible en théorie, ce processus se retournerait vite contre les Américains et surtout contre les Européens en raison des mesures de représailles que la Russie ne manquerait pas de prendre. Il pourrait même aggraver la crise que traverse l’Europe depuis près de cinq ans en alourdissant fortement sa facture énergétique et en pénalisant durablement l’exportation de ses produits.

La seconde voie amènerait de façon subtile les Occidentaux à reconnaître qu’ils ont surestimé leur pouvoir d’imposer à la Russie des décisions contraires à ses intérêts stratégiques. Sans changer brusquement de discours afin de ne pas perdre la face devant le reste du monde, elle se traduirait par l’ouverture d’un dialogue Est-Ouest visant à instaurer un équilibre plus stable entre les deux blocs. Au lieu de s’abriter derrière une défense de la démocratie et des droits de l’homme qui dissimule mal leur volonté d’affaiblir la Russie par tous les moyens, cette démarche donnerait un nouvel élan à la coexistence pacifique.

N’anticipons pas sur les décisions que prendront les Américains et les Européens dans les jours et les semaines à venir. Disons seulement que les uns comme les autres feraient bien de se préoccuper des jugements que portent les peuples du tiers-monde sur leur faconde, leurs gesticulations, leur incapacité à traduire leurs discours en actes. S’ils continuent, en effet, à agir comme ils le font depuis des mois en Syrie puis en Ukraine, ils perdront définitivement la face, et le prix à payer pour cette erreur historique sera lourd, très lourd.