Les Dépêches de Brazzaville



Adoptions : l’Italie lance un unanime « hourrah » !


C’est un cri de joie unanime qui s’est élevé des travées de l’Assemblée nationale italienne, mercredi, en apprenant la décision des autorités de Kinshasa de permettre enfin l’adoption de petits Congolais. Quelque 900 d’entre eux devraient rapidement prendre la route des différentes capitales occidentales où les attendent des familles qui espéraient ce feu vert, certaines depuis trois ans. Soixante-six de ces enfants rejoindront des familles en Italie dont certains membres s’étaient même rendus à Kinshasa il y a un an pour y attendre le déblocage de ce dossier. De guerre lasse, la plupart d’entre eux ont fini par revenir bredouille en Italie.

Au total, 1200 enfants congolais sont concernés par la mesure d’adoption ; leurs familles d’accueil avaient fourni toute la documentation et reçu le « ok ». Mais en septembre 2013, Kinshasa a mis le holà après la découverte d’irrégularités. Certains adoptants, du Canada et des États-Unis notamment, se seraient fait passer pour des familles alors qu’il s’agissait d’unions homosexuelles. Or, la loi et la coutume congolaises ont de la notion de famille une compréhension qui sous-entend un homme et une femme liés par le lien du mariage auprès de l’autorité.

La découverte de versements de pots-de-vin à des fonctionnaires chargés de délivrer les autorisations a fini par conduire le ministère de la Famille à reprendre l’examen de tous les dossiers, au cas par cas. « Depuis janvier, la commission interministérielle a examiné environ 900 dossiers » et « un total de 600 dossiers ont reçu l’aval », a indiqué le ministère de l'Intérieur à Kinshasa mercredi. De manière officieuse, on a ajouté qu’une cinquantaine de dossiers sur les 900 examinés ont été « définitivement recalés », parce que ne respectant pas « les conditions d'adoption » prévues par la loi congolaise.

Il y aurait, en plus, une centaine d’autres dossiers qui doivent être complétés, et qui ne recevront leur agrément qu’une fois les pièces additionnelles fournies aux services compétents, à Kinshasa. « Après 900 jours d’attente, quelque 60 enfants de République démocratique du Congo devraient pouvoir embrasser les familles italiennes. Nous apprécions cette annonce ainsi que l’initiative diplomatique du ministre (Paolo) Gentiloni (MAE) qui a certainement été décisive pour le déblocage des dossiers et pour ce qu’il pourra faire pour les 50 autres enfants non encore inclus dans la liste des départs vers les familles adoptantes ».

À l’image du député Cosimo Latronico qui a suivi ce dossier pour le compte de l’Assemblée de son pays, c’est toute l’Italie qui se dit aujourd’hui soulagée. La Farnesina, le ministère des Affaires étrangères, a publié un communiqué félicitant les autorités de Kinshasa et souhaitant que la coopération qui a abouti à un tel résultat se poursuive. « C’est une bonne nouvelle : 66 enfants ont maintenant une maman et un papa. C’est cela la raison pour laquelle nous voulions réformer la loi sur les adoptions » en Italie, jubilait Maurizio Lupi, président du groupe parlementaire des députés de centre-droit à la chambre.

L’arrivée des petits congolais se fait dans un contexte de grands débats en Italie où la  loi autorisant « les unions civiles », sortes de mariages entre personnes de même sexe, agite l’opinion et divise la classe politique. Elle est passée mais avec une clause qui interdit aux partenaires de pouvoir adopter des enfants, même pas ceux de l’un ou l’autre d’entre eux nés avant « mariage ». Les associations de défense des homosexuels continuent de fourbir leurs armes, considérant que rien ne devrait conduire à la discrimination entre « gens qui s’aiment », quelle que soit la manière de le faire.

Le vent d’optimisme qui souffle à Kinshasa renvoie à plus tard la plongée dans un tel débat, car les familles italiennes adoptantes sont cette fois des gens qui en remplissent pleinement les conditions aux yeux de la loi congolaise. « Dans deux ou trois semaines pratiquement, on [en] finira avec [les] dossiers d'adoption. Une fois que ce sera fini, il va falloir attendre la nouvelle loi pour relancer les adoptions des enfants congolais par des couples étrangers », a-t-on fait valoir à Kinshasa jeudi.

Le Conseil des ministres a, en effet, adopté en janvier un projet de loi visant à durcir considérablement l'adoption d'enfants congolais hors du pays. Le texte devrait être examiné lors de la session parlementaire devant s'ouvrir le 15 mars à Kinshasa. Partisans et adversaires des adoptions devraient de nouveau croiser le fer, les uns soulignant le caractère hautement humanitaire de cette mesure, les autres criant au bradage de la souveraineté nationale sur fond de pauvreté.


Lucien Mpama