Les Dépêches de Brazzaville



Centrafrique : un nouveau gouvernement en attendant le dialogue national


« Tous ceux-là qui ont des revendications à faire valoir ou qui pensent à un recadrage de la transition en cours pourront le faire dans le cadre du dialogue politique national qui se tiendra dans les mois à venir », a insisté la présidente de la transition dans un discours quelques heures avant la publication de la nouvelle équipe gouvernementale. Catherine Samba Panza a dénoncé les « agitations » qui ont suivi le choix de son Premier ministre qu'elle a d'ailleurs confirmé dans ses fonctions. Elle a mis en garde contre « toutes les manipulations qui s’organisent chaque jour pour déstabiliser les autorités de transition.»

La présidente de la transition a loué les mérites de Mahamat Kamoun qui, selon elle, est un « symbole de symbiose communautaire », un « modèle d’humilité », et un homme susceptible de permettre à la Centrafrique d’entretenir des relations normales avec certains de ses voisins. Ce sont, d’après la présidente, ces mérites qui l’ont conduite à retenir Mahamat Kamoun comme Premier ministre parmi les candidats qui lui étaient proposés à ce poste. 

Qu'en est-il du nouveau gouvernement ? 

La nouvelle équipe gouvernementale formée par Mahamat Kamoun compte 31 membres, dont 2 ministres d’État - l’un en charge des Travaux publics et l’autre en charge de la Défense nationale -, 27 ministres et deux ministres délégués, respectivement aux Finances et au Budget. Elle est formée des personnes ayant montré leur disponibilité aux autorités de transition : 19 entrants dont le général de gendarmerie Thierry-Marie Métinkoué, nouveau ministre à la Sécurité et douze anciens reconduits du gouvernement sortant d’André Nzapayéké. Sur ces 12 reconduits, 4 ont changé de portefeuilles. Les ministres des Affaires étrangères, des Postes, de l’Économie, de la Fonction publique, de l’Éducation, du Commerce et de la Santé restent inchangés.

Par ailleurs Marie Noëlle Koyara précédemment ministre d’État chargée du Développement rural prend dorénavant la direction du ministère d’État en charge des Travaux publics. Aristide Sokambi qui s'occupait de l’Administration du territoire est promu ministre d’État en charge de la Défense. Isabelle Gaudeuille quitte la Justice pour les Eaux et Forêts. Pour sa part, Gaston Mackouzangba, ancien ministre chargé du secrétariat général du gouvernement a été nommé ministre du Travail et de la Sécurité sociale. Les autres anciens membres du gouvernement qui était composé d’une vingtaine de personnes conservent leur poste.

La société civile est aux abonnés absents

Les principaux groupes belligérants font leur entrée dans cette équipe. L’ex-rébellion Séléka, à dominante musulmane, est représentée par au moins trois personnes. Il s’agit notamment d’Abdallah Kadre Hassane aux Postes et télécommunications, Mahamat Tahib Yacoub à l’Élevage et d’Arnaud Djoubaye Abazène aux Transports. Les anti-balaka quant à eux ont obtenu un seul poste ministériel : le ministère délégué aux finances occupé par Jacob Désiré Ngaya.

Le ministère de la Jeunesse et des Sports a été arraché à Léopold Narcisse Bara, un Antibalaka, pour être affecté à Armel Ningatoloum Sayo du mouvement Révolution Justice. La nouvelle configuration comprend une forte représentativité féminine, soit huit ministres femmes contre sept dans le gouvernement sortant. Seulement, la nouvelle équipe dissocie les Affaires sociales et les actions humanitaires de la Santé publique puis Marguerite Samba Maliavo reste à la Santé publique, alors qu’Eugénie Yarafa s’est vue confier la responsabilité du ministère des Affaires sociales et de l’action Humanitaire. Le grand absent dans cette équipe est la société civile qui, lors des consultations, avait annoncé qu’elle n’allait pas participer à ce nouveau gouvernement.

Aussitôt après l’annonce de ce gouvernement, l’ex-coalition rebelle l’a contesté au motif que les personnalités nommées pour son compte sont « tous sous le coup d’une sanction » « Nous ne reconnaissons pas ce gouvernement. Décidément, madame Samba  Panza a oublié pourquoi elle est là : pour un projet bien précis, rassembler tous les Centrafricains autour de la transition. Malheureusement, elle s’entête à ne pas écouter les gens. Elle a décidé de gouverner une partie de la rue centrafricaine avec une partie des Centrafricains au détriment des autres », a réagi le porte-parole de l’ex-Séléka.

Kwa na kwa dénonce son "exclusion" et "l'arbitraire"

La coalition formée autour du parti de l’ancien président François Bozizé, dénommée Kwa Na Kwa, a déploré par le biais de son secrétaire général, Bea Bertin que les cadres de leur mouvement soient mis à l’écart. « Depuis l’arrivée de la Séléka, il y a comme un processus d’ostracisation, de marginalisation de notre formation politique. Le Kwa Na Kwa a une implantation nationale, et nous avons payé un lourd tribut. Alors que l’on nous dit que la transition a un caractère inclusif et consensuel, la démonstration vient d’être faite que nous avons personne ni au gouvernement, ni au cabinet du président de la République, ni au cabinet de la primature, nulle part. Dans tous les cas, c’est de l’arbitraire que nous subissons aujourd’hui ».

Outre le fait que l’ensemble du gouvernement ne fait pas l’unanimité dans le pays et au niveau de la diaspora, Mahamat Kamoun lui-même est considéré comme un Premier ministre non-consensuel. D’ailleurs depuis sa nomination, Catherine Samba Panza fait l’objet de nombreuses critiques. Beaucoup lui reprochent le manque de concertation dans le choix de ce Premier ministre.

Rappelons que le gouvernement sortant avait démissionné début août, dans la foulée d’un accord de cessez-le-feu signé le 23 juillet à Brazzaville entre l’ex-Séléka et les milices anti-balaka.

 

 

 

 


Nestor N'Gampoula