Les Dépêches de Brazzaville



Cinéma : « Makala » ou le quotidien d’un charbonnier


Le documentaire français d’Emmanuel Gras, Kabwita Kasongo dans Makala, raconte l’odyssée d’un jeune villageois, saisi par la pauvreté extrême, qui entreprend un périlleux voyage jusqu’à Kinshasa, poussant un vélo précaire surchargé de sacs de charbon. Parti sur des routes dangereuses et épuisantes pour vendre le fruit de son travail, il découvrira la valeur de son effort et le prix de ses rêves.

Enfants au ventre gonflé, habitat précaire, bouillie de rat à l’occasion en guise de repas. Le père espère néanmoins en des jours meilleurs, grâce, notamment, à l’achat escompté de plaques de tôle pour la construction du toit d’une nouvelle maison, dans la cour de laquelle il rêve avec sa femme de planter des arbres fruitiers, grâce au salaire du charbon. Le film est l’histoire simple, pathétique, extraordinairement concentrée et dilatée à la fois des moyens qu’il met en œuvre pour ce faire.

Découpe d’un arbre gigantesque, brûlage lent du bois dans un monticule de terre, recueil du charbon dans de grands sacs en toile, chargement déraisonnable du vélo qu’on ne peut plus mouvoir qu’à la main, embûches de toutes natures (pentes monstrueuses, racket, trafic routier périlleux) sur le chemin de 50 km qui le sépare de la ville, perte accidentelle d’une partie de la marchandise, visite rapide à l’une de ses filles confiée à sa tante à l’orée de la ville, négociations au couteau sur les marchés, sous-estimation dramatique du prix réel de la tôle, participation à un office religieux, retour au village.

Le moment le plus extraordinaire de Makala est sans conteste cette longue marche du jeune homme dont le petit vélo est surchargé de charbon de bois qu’il a fabriqué lui-même et qui lui permettra, s’il le vend bien, de nourrir sa famille durant plusieurs mois. La route est dure, elle monte et descend sans cesse. Des voitures, la nuit, évitent à peine le vélo. Parfois, Kabwita tombe : il lui faut, alors, se relever, essayer de ne pas trop gaspiller son précieux chargement et repartir au plus vite, avant que d’autres profitent de sa faiblesse pour l’attaquer. Aux abords de la capitale, d’ailleurs, des flics le rançonnent. Il s’agit de les satisfaire pour éviter le pire : la saisie de sa marchandise.

Makala d'Emmanuel Gras a remporté le Grand prix de la Semaine de la critique lors du festival de Cannes 2017. Le film a fait sa sortie en salles, le 6 décembre dernier.


Bénédicte Alouna

Légendes et crédits photo : 

Photo: Le calvaire à vélo de la brousse à la ville (DR)