Les Dépêches de Brazzaville




Couleurs de chez nous : cache-nez !


Très répandu en Asie où les populations l’arboraient déjà presque au quotidien même avant l’apparition du coronavirus, le cache-nez n’est ni dans la culture des Européens ni dans celle des Africains moins encore dans celle des Congolais contraints, malgré eux, à s’afficher avec.  

C’est la chose à la mode actuellement. C’est la chose qui nous est exigée pour lutter contre la propagation du coronavirus. Elle fait partie des mesures prises par le gouvernement de la République du Congo en harmonie avec les consignes de l’Organisation mondiale de la santé et sur recommandations des experts. Cache-nez ou bavette, c’est la condition pour sortir et se promener dans la ville librement si l’on ne veut subir la loi en payant cinq mille francs CFA d’amende.

Boudeurs au départ, car la chose ne permet pas de bien respirer, les Congolais semblent s’y complaire désormais. Si certains ont compris que le cache-nez est aussi un moyen pour gagner l’argent, d’autres y voient un prétexte pour parader. Chez les acteurs politiques cependant, la bavette sert à gagner la sympathie des populations. Pour preuve : les opérations de distribution sont couvertes par la presse et diffusées sur de chaînes de télévision.

Jadis vendeurs et vendeuses de l’eau et d’autres produits le long des artères, les Congolais se sont reconvertis dans la vente des bavettes. Ceci, parce que créatifs, les couturiers du pays ont su en apprendre la fabrication en respectant les normes sanitaires et hygiéniques édictées. Mais, fabricants et citoyens ne s’arrêtent pas là. À Brazzaville et même à Pointe-Noire, les populations ont tourné le dos aux cache-nez classiques vendus dans les pharmacies ou venus de Chine.

Tout avait commencé avec l’un des partis politiques du Congo qui en avait passé la commande aux fabricants locaux avec la consigne pour obtenir une combinaison qui reflète les trois couleurs de la République : vert, jaune et rouge. Et, partant, on assiste à une variété de bavettes dans la ville : celles fabriquées avec du tissu en pagne, en raphia, du Super 100, 120 140, etc.

Et désormais, la mode est aux cache-nez flanqués du drapeau national congolais. Une manière pour ces citoyens d’exprimer leur patriotisme. Sans oublier que le Congo est reconnu comme la terre de la mode appelée ici sapologie.

En effet, chez nous, on se juge par la qualité de la bavette : en termes de tissu, de couleurs ou de design. Mais en termes aussi de prix d’achat. Un prétexte pour les uns de narguer les autres. On y va jusqu’à stigmatiser ceux qui ont des cache-nez lavables et qui seraient incapables d’en avoir pour un usage unique.

On constate aussi que la bavette est un prétexte pour certains de se soustraire de la vue des tiers. Les automobilistes qui ne veulent pas être interpellés par des amis ou connaissances pour un service ajustent leurs bavettes presque jusqu’aux yeux pour ne pas être identifiés. Vu qu’il est impossible d’intercepter un sourire derrière un cache-nez, bien de gens passent incognito dans certains milieux.

Pour vu que cela dure ou ne dure pas du tout !

Van Francis Ntaloubi