Les Dépêches de Brazzaville



Couleurs de chez nous : la loi du pionnier


Pour faire dans l’air du temps, nous allons observer dans la virtualité qui nous enlace. Car, de plus en plus, les gens d’une certaine génération vivent le regard tourné vers le passé. « Nostalgie » serait le juste mot pour résumer cette attitude. Comme s’ils ont la peine à s’accommoder de la vie actuelle, des adultes puisent dans leur passé pour espérer trouver les raisons de vivre.

En jetant un coup d’œil dans les téléphones des Congolais qui ont entre 40 et 55 ans, on est étonné ou charmé par les images d’époque. Parmi celles-ci : la loi du pionnier. Un texte qu’ils s’envoient, sans se lasser, et qu’ils lisent, avec une larme en coin si ce n’est un sourire et en susurrant : « Quand nous fumes ! »

C’est quoi cette fameuse loi du pionnier ? Il s’agit de dix articles qui, pris chacun ou collectivement, circonscrivaient la vie des enfants et des jeunes des années 1970. Leur morale ou leur code de conduite. Cette morale commençait par l’obéissance au parti, le respect de la nature et des biens d’autrui, en passant par l’esprit de vérité, de critique et d’autocritique, l’amour pour les parents et la patrie pour s’achever par cette exhortation à la solidarité envers les peuples opprimés, au travail bien fait, etc. Rien de mauvais dans ces « dix commandements » malgré leur côté marxisant. Ce fut une époque ! Car ce dispositif éducationnel tomba en 1991 quand la Conférence nationale souveraine prononça la fin du monopartisme.

C’est cette loi qui revient insidieusement non sans traduire cette nostalgie qui gagne un certain nombre de Congolais au point d’occuper leur vie d’aujourd’hui. Et de s’imposer comme une couleur des temps présents. Questions : pourquoi ce passé revient-il dans le présent ? Est-ce seulement par nostalgie ?

À bien des égards, ce retour traduit la déception des anciens quand ils observent la jeunesse actuelle, « digitalisée et numérisée ». Une jeunesse qui fait plus craindre qu’espérer comparée à la « Génération 70 », pour ne parler que d’elle. Ce refuge dans le passé devrait se lire comme un appel aux pouvoirs publics pour que soit adopté un code de conduite pour la jeunesse actuelle afin de la délivrer de l’insouciance et de l’inconduite qui caractérisent sa vie.

Les raisons sont certainement nombreuses pour expliquer ce goût du passé pour des gens qui affichent une aversion pour les musées. Mais celles évoquées ci-haut  participent d’un constat : quand le nouveau n’est pas meilleur, on reprend l’ancien même si une certitude se dégage : autres temps, autres mœurs.

Au fait : quid de la loi Portella ?/-

 


Van Francis Ntaloubi