Les Dépêches de Brazzaville



Couleurs de chez nous : Photographie


En effet, la première série des photographies au Congo est le privilège des studios. Ceux-ci se comptaient du bout des doigts et avaient une caractéristique pour attirer la clientèle : l’arrière-plan. Complexe de civilisation ou expression du rêve français, la tour Eiffel était le plus prisé des décors pour photographie. Puis vint l’Arc de Triomphe. Les personnages concernés exhibaient leurs photographies à qui voulait les voir avec force commentaires et mensonges. Les plus naïfs allaient jusqu’à croire que les photos étaient prises dans cette ville lumière qu’est Lutèce.

Aux monuments parisiens, succédèrent les marques de voitures. Sans leur faire de la publicité, on a vu de nombreux Congolais poser avec en arrière-plan les images de la Citroën, la DS, la Deux-chevaux, la Volkswagen puis la Peugeot et la Renault. Cette mode céda à la pose en couple où l’on voyait la femme tantôt assise sur les genoux de l’homme avec l’impression d’être au milieu d’une grande avenue, tantôt embarquée sur mobylette.

Les compagnies aériennes servirent aussi d’images de fonds. Faute de véritables photos, les tenants des studios sollicitaient les meilleurs dessinateurs pour leur reproduire sur le mur les images des carlingues des célèbres compagnies de l’époque comme Lina Congo, Air Afrique ou UTA posées sur le tarmac de Maya-Maya.

Le rail avec sa locomotive à la couleur rouge s’était aussi invité à ce spectacle artistico-photographique. Sur d’autres photos, on pouvait admirer un fonds aux enseignes de « CFCO ». Tout l’art des responsables de studios était de trouver un fonds qui attirait alors que toute l’énergie du public s’orientait dans la recherche des meilleurs studios de la ville. Et que dire sur le vestimentaire ? Il suffit de fouiller dans les vieux albums pour comprendre le lien magique que le Congolais entretient avec le tissu et le cuir.

A partir des années 1980, les cours et bâtiments d’écoles devinrent à la mode. Des collégiens et lycéens posaient ainsi en groupe, dans des postures diverses, exhibant cahiers et livres dans une espèce de message à ceux des leurs qui avaient raccroché.

Le temps du complexe étant révolu, certains choisirent de promouvoir la nature. Les nouvelles photos devaient se prendre au bord du fleuve Congo, aux cataractes, sur la plage maritime de Pointe-Noire ou même dans l’herbe sauvage qui couvre le territoire congolais.

Aujourd’hui, c’est avec un brin de nostalgie que certains nonagénaires, octogénaires et septuagénaires regardent leurs photos de l’époque pour les filer à leurs petits-enfants qui, à leur tour, les flashent pour les numériser sur leurs tablettes et téléphones androïdes.

 

 

 


Van Francis Ntaloubi