Les Dépêches de Brazzaville




Couleurs de chez nous. « Rupture numérique »


Du monde physique, nous voici aujourd’hui en plein dans le monde virtuel. Cet état qui nous donne l’impression d’exister pour les autres mais sans l’être vraiment ; de voir les choses sans les toucher ; de parler aux autres sans les voir et de les voir sans les toucher, etc.

Un monde de contradictions qui fait avouer aux uns qu’ils sont ensemble alors qu’il y a des lustres qu’ils ne se voient plus et qui donne des assurances à certains de maîtriser le quotidien de leurs proches même si la réalité est tout autre.

Venons-en au fait du jour, pas celui que signe notre directeur des rédactions, mais au fameux « divorce numérique », cette rupture des relations entre deux personnes dont les signes ne sont perceptibles qu’à travers les communications électroniques, notamment à l’allure que nous leur donnons.

En effet, le téléphone sert désormais de baromètre pour les relations. Par exemple, lorsqu’une discussion a fait s’élever le ton entre couples ou amis. On constate le lendemain que les appels ont de la peine à passer. Dans l’incrédulité, on accuse le réseau ou on pense à la batterie qui se serait déchargée. C’est parfois plusieurs jours après que l’on réalise que l’on a été mis en mode « rejet » ou que le correspondant avait bloqué le numéro.

Le procédé est très répandu chez les jeunes et, même, chez les adultes qui y recourent de plus en plus. Chez nombre de personnes, une banale incompréhension suffit pour bloquer le numéro de l’autre : ami ou amie. Dans le cas des « couples » même informels, ce phénomène donne l’alerte sur le vacillement de la relation.

Dans la colère et l’incapacité de dire la vérité à l’autre sur la décision prise de le quitter, nombreux se barricadent derrière cette astuce : placer le numéro de l’autre sur la liste noire ou le bloquer car le supprimer ne l’empêche pas de vous appeler. En réalité, ce procédé leur donne le temps d’évaluer la situation et d’observer. En d’autres termes, selon que le cœur tient ou non, on décide ou non de « débloquer » le numéro du conjoint ou de la conjointe, quitte à avancer et inventer des arguments pour justifier l’absence de communication pendant une période donnée.

Hier, pour notifier la fin d’une vie amoureuse, les conjoints déchiraient les photos sur lesquelles on les voit ensemble. Aujourd’hui, on supprime toutes les images que contient le téléphone. L’ère de l’album étant révolue ! Sauf que la complexité du numérique place bien de gens devant une évidence : des images qui rebondissent par la magie des androïdes et téléphones intelligents (smartphones).

Il y a plus : le changement de numéro qui peut aussi signifier une rupture, c’est-à-dire cette décision de couper toute relation avec une personne. Les plus méprisants laissent les choses en l’état sauf qu’ils ne décrocheront jamais à l’appel de l’autre, laissant sonner longtemps le téléphone.

Van Francis Ntaloubi