Les Dépêches de Brazzaville



École de peinture de Poto-poto : l'école se bat pour recouvrer l'intégralité du terrain légué par Pierre Lods


L’École de peinture de Poto-poto © (Adiac)Des documents de justice présentant la famille Ondongo comme propriétaire de la parcelle qui abrite l’école ont été présentés récemment devant la justice afin de permettre à celle-ci de s’approprier en toute illégalité une partie du terrain de l’école située en plein cœur de Poto-poto. Mais ces textes sont truqués selon des sources proches de l’institution.

Dans le silence réfléchi de ce lieu mythique qui fait rayonner l’art pictural congolais à travers le monde, l’heure est aux interrogations. La parcelle abritant le siège de l’École de peinture de Poto-poto entre les rues Moudzombos et Mayama, à Moungali, attise en effet la convoitise des enfants Ondongo qui souhaiteraient vendre la partie du terrain théoriquement « concédée » à la famille Ondongo par l’État.

Un mur a été érigé en 2009, grâce à un financement de l’Unesco, entre la partie qui abrite l’école et le domicile où logent les enfants de feu Nicolas Ondongo. Nicolas Ondongo qui était, en effet, le second élève de Pierre Lods, est resté jusqu'à sa mort, en 1990, président de la coopérative des peintres de l’École de Poto-poto ; il fut aussi, selon des documents réunis par un cabinet juridique, directeur régional des Affaires culturelles à l’époque du président Marien Ngouabi. À la mort de ce dernier et pour des raisons que l’on ignore, le peintre ne fut pas délogé de la maison où il avait vécu avec Pierre Lods.

C’est donc dans ce petit logis qui côtoie l’ancien atelier de Pierre Lods que le peintre a vécu avec ses enfants. En était-il devenu propriétaire au fil des années ? Le titre foncier du terrain était-il établi à son nom ? La maison, en tout cas, partageait jusqu'en 2009 une même cour avec l’École. Mais l’agitation qui régnait dans cet espace vers lequel affluaient les badauds avait fini par nuire à la quiétude des artistes. Si bien que la cour fut séparée en deux avec d’un côté la grande paillotte où opèrent les artistes de l’école de peinture et de l’autre la maison ou vécurent Pierre Lods, puis Nicolas Ondongo, et où habitent aujourd’hui les enfants de ce dernier.

Un titre foncier douteux

La famille Ondongo brandit pour justifier sa présence une décision de justice rendue en 1984 qui confirmerait sa qualité de propriétaire de cette parcelle. « Le titre foncier délivré à son père et actualisé est le document de référence qui a motivé cette décision aussi subite que contestable », explique un juriste, proche de l’École de peinture de Poto-poto.

Ce titre foncier serait en réalité  un faux, car il n’est pas daté. Le document de « conservation de la propriété foncière » délivré par la préfecture du Pool est plus que « suspect » si l’on en croit les spécialistes que nous avons consultés. « Il y a un faisceau d’indices convergents et en tout état de cause il est impossible qu’un document administratif ne soit pas daté. C’est largement suffisant pour dire qu’il y a problème, que du point de vue administratif le document est inexistant », commente un observateur.

« La famille Ondongo a voulu agir à cause du laxisme de l’État et voilà qu’elle veut renverser le fardeau de la preuve, afin de se faire reconnaître titulaire de cet espace », ajoute une autre personne.

La famille détiendrait par ailleurs une ordonnance du procureur général rendue en mars 2013 qui réclame l’exécution de cette décision de justice devenue opposable, faute de recours en appel contre le jugement du tribunal populaire de l’époque. Ce qui aurait pour conséquence l’expulsion des occupants actuels que sont l’École de peinture de Poto-poto.

Une « machination grave » derrière l’opération

Inquiète de cette manœuvre, des sources bien averties et soucieuses de conserver l’intégrité de l’École de peinture dénoncent une « machination grave ». Elles pensent d’ailleurs que l’institution peut, en effet, envisager une action en justice sachant qu’elle a qualité et intérêt à agir.

Selon des informations recueillies auprès d’un cabinet d’avocat, la mise en œuvre d’une action en contentieux administratif pour contester la régularité et l’authenticité du titre de propriété de base devra être posée. De même, à en croire les propos d’un juriste qui étudie la question, l’association a la « possibilité d’ester en justice, de déposer une demande reconventionnelle ou de constitution de partie civile au regard des préjudices moraux, matériels et financiers qu’elle subit ».

Affaire à suivre donc qui, en bonne logique, devrait permettre aux peintres de la célèbre école de retrouver enfin l’intégralité du terrain que leur a légué Pierre Lods.


Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Photo : L’École de peinture de Poto-Poto. © (Adiac)