Les Dépêches de Brazzaville



Edith Laure Itoua : « Nous souhaitons que les experts congolais reviennent régulièrement au pays, par le projet MIDA»


Madame Edith Laure Itoua, conseiller du chef de l’Etat en charge des Congolais de l’Etranger ©DRLes Dépêches de Brazzaville. La diaspora congolaise se retrouve à Bordeaux dans quelques jours. De quoi s’agit-il exactement ?
Edith Laure Itoua. La Journée des diasporas africaines est organisée par la Mairie de Bordeaux les 24 et 25 avril. Il était important que le Congo soit présent. C’est pourquoi Les Dépêches de Brazzaville, en partenariat avec la mairie de Bordeaux, ont permis la présence du Congo en ma personne. J’irai donc à Bordeaux représenter le Congo à ce colloque. Il y aura Les Dépêches de Brazzaville, l’ambassade du Congo ainsi que notre communauté à Bordeaux. Pendant ces journées nous organiserons une rencontre avec la colonie congolaise pour échanger sur ce que nous prévoyons de faire actuellement en direction des Congolais de la diaspora.

DB. Quelles missions vous ont été assignées lors de votre nomination ?
ELI. A la demande du Président de la République, Je suis allée débroussailler un terrain vierge ! Au pays on ne parlait pas souvent des Congolais de l’étranger parce que ce n’était pas un concept d’actualité. Il a fallu que l’on commence à les évoquer ; que l’on arrive à trouver des solutions à leur intégration au développement du Congo, et nous avons compris que c’était un apport important. Mais comment faire en sorte que cet apport bénéficie au pays ? La mission première était donc de tracer une voie pour que le retour, l’insertion, l’intégration ou la participation au développement des Congolais de l’étranger soit un peu plus facile et plus fluide. C’est ce que nous faisons depuis notre nomination jusqu’aujourd’hui.

DB. Vous êtes Conseiller du chef de l’Etat congolais en charge du DCE depuis deux ans. La mission qui est la vôtre, est-elle difficile ?
ELI. Oui, elle est très difficile dans la mesure où mon rôle de conseiller du chef de l’Etat consiste à lui faire des propositions, mais ces propositions peuvent ne pas trouver l’assentiment de ceux qui les mettent en œuvre. Je souhaiterais que mes recommandations soient systématiquement réalisées par ceux qui sont censés le faire. Il s'agit là d'une réelle difficulté, surtout dans le sujet qui est le mien, celui de la diaspora. Les rapports de fin d’année que j’envoie à ma hiérarchie donnent un aperçu clair de ce que le Congo doit engager aujourd’hui comme réformes, pour que nos compatriotes de l’étranger participent réellement au développement. Je parle du retour mais il faut aussi noter le fait que tous les Congolais de l’étranger n’ont pas vocation à rentrer au pays. Ils peuvent aider le Congo depuis leur pays de résidence. C’est important.

DB. Avec quelle diaspora travaillez-vous ; celle d’Europe, d’Amérique ou de tous les Congolais disséminés à travers le monde ?
ELI. Je travaille avec tous les Congolais disséminés à travers le monde. Il suffit que je les trouve. Nous avons une immigration qui n’est pas tracée et nous ne savons pas toujours où sont-ils. Nous n’avons pas non plus d’ambassades dans tous les pays du monde ce qui rend difficile l’accès à l’information. Il n’y a pas longtemps j’étais en contact avec des Congolais de Norvège. Ce n’était pas dans les habitudes de nos ressortissants de se trouver dans les pays nordiques ; ils partaient plus vers la France, la Belgique… Maintenant, nous avons compris qu’il faut aller les chercher même au Japon, à Dubaï, etc. Je ne peux pas me rendre partout pour la simple raison que les moyens ne me le permettent pas. Je travaille avec les ambassades et directement avec ces Congolais de l’étranger. Quand, j’ai mis en place le site Internet et la page Facebook du DCE, la communication a joué son rôle. Des compatriotes de tous les coins du monde ont entendu parler de ce département et ont pris contact avec moi. Jusque-là, le feed-back passe très bien.

DB. Où en êtes-vous avec le projet MIDA et que vise-t-il ?
ELI. Le projet MIDA a été mis en œuvre par l’organisation internationale pour les migrations (OIM). Il consiste à faire revenir des experts congolais de l’étranger au pays pour répondre à des besoins spécifiques. Dans le projet pilote, les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé ont dressé un état de besoins et l’OIM est parti à l’étranger chercher les Congolais pouvant répondre à ces besoins-là. Dix experts Congolais, dont cinq dans le domaine de la santé, sont venus au Congo, ont effectué leurs missions et rédigé leurs rapports. Blaise Nsimba, ingénieur logisticien à l’hôpital de Nantes en France, qui a passé sa mission au CHU de Brazzaville, a été le premier à rendre son rapport - disponible sur le site du DCE. Dans ce rapport, il propose, par exemple, la création d’un vrai service de maintenance des équipements hospitaliers au CHU de Brazzaville.
Un spécialiste de la démarche qualité et de la normalisation est également venu pour évaluer les avancées dans ce domaine.
Le MIDA vise donc à ramener des experts congolais au pays au lieu d’aller chercher des étrangers qui parfois nous coûtent très chers. Or, avec des compatriotes experts, il n’y a pas de problèmes d’adaptation, de langue et de culture. Nous devons pérenniser le MIDA et c’est le combat de l’heure. Que chaque année des Congolais viennent combler des besoins, et dans tous les domaines, pas seulement celui de la santé et de l’enseignement supérieur.

DB. Comment faire pour le pérenniser ?
ELI. L’OIM est prête à nous accompagner chaque fois que nous aurons besoin de son expertise, mais il nous faut trouver des financements. Le projet pilote a été financé par l’OIM à hauteur de 200.000 dollars. C’était notre apprentissage. Nous avons vu le mode de fonctionnement et maintenant que nous savons comment ça marche, il faut chercher des moyens, trouver de l’argent pour le faire. Nous devons compter sur les sociétés privées qui évoluent au Congo - ce qui a été fait dans d’autres pays. Il serait souhaitable aussi que les termes de référence de ce MIDA 2 soient soutenus par un département ministériel, en l’occurrence le ministère des Affaires étrangères.

DB. A la Librairie-Congo à Paris le 27 mars dernier, vous avez eu des entretiens avec les artistes musiciens congolais. Quel a été l'objet de vos discussions ?
ELI. Les artistes ont créé à Paris l’Union des musiciens congolais de la diaspora. C’est une bonne initiative, parce qu’ils ont besoin de se mettre en réseau et de s’épauler les uns, les autres. Ils veulent organiser un festival qu’ils ont dénommé « le festival Congo sur Seine » avec l'appui des pouvoirs publics au Congo. Je vais m’atteler à diffuser l’information et chercher des mécènes pour les aider dans cette démarche. La culture est fédératrice. Il n’y a pas meilleur moyen de parler en bien d’un pays qu'à travers sa culture qui est une vraie richesse. Je souhaite rencontrer le ministre de la Culture pour lui demander de soutenir ce projet. C'est un homme très ouvert et je lui demanderai de prendre à bras le corps ce projet. En France, on hésite à les aider parce qu’on pense qu’ils font de la musique ethnique. Pourtant parmi nos artistes nous avons Helmi Bellini chanteuse de jazz, le groupe Ameni Gospel Singers qui fait du gospel, etc. Tous les genres musicaux y sont représentés. C’est une richesse pour nous, il faut que les autorités nationales appuient ce projet et j’essaie d’être le relais en les aidant à trouver les moyens de réaliser ce festival.


Propos recueillis par Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

Madame Edith Laure Itoua, conseiller du chef de l’Etat en charge des Congolais de l’Etranger ©DR