Les Dépêches de Brazzaville



Énergie atomique : le nucléaire civil en RDC


Le nucléaire fait toujours l’objet d’une attention particulière de la communauté internationale, autrement dit « des pays développés », ironise un chercheur RD-congolais approché par la rédaction. En effet, même en l’absence d’activité du réacteur nucléaire, le site érigé en plein cœur de l’Université de Kinshasa (Unikin) reçoit régulièrement les inspecteurs de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). Entre le 29 juillet et le 2 août 2019, une équipe d’experts a effectué une mission d’inspection visuelle du combustible nucléaire et des structures internes du réacteur pour en évaluer l’état exact.  Il s’agit tout de même d’un réacteur inauguré en 1972 et mis en marche officiellement une année après. A ce jour, il reste opérationnel bien qu’inactif depuis des lustres. L’on n’y trouve même de l‘uranium et autres déchets fissiles stockés sur le site universitaire. Le plan de modernisation estimé à des millions de dollars américains attend toujours un financement conséquent. Sa principale vocation est de mener des recherches génétiques, industrielles, médicales et biologiques.

Historiquement, la RDC est l’un des pays africains pionniers en matière de recherche nucléaire à des fins non militaires. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale et face aux atrocités des bombardements meurtriers des États-Unis d’Amérique à Hiroshima et Nagasaki (Japon), le nucléaire civil pacifique a commencé à se développer à côté du nucléaire militaire désormais sous le feu des critiques. Progressivement, cette mutation a conduit à la création de l’AIEA en 1957. C’est aussi à cette période que la RDC va mener ses premiers pas dans le nucléaire pacifique. Bien avant déjà, expliquent certains chercheurs, le pays était impliqué malgré lui dans le drame japonais en participant au Projet de recherche qui produisit la première bombe atomique. En effet, l’uranium utilisé dans les bombes américaines est venu tout droit des mines RD-congolaises du Haut-Katanga, la principale région minière de la RDC.

Pour la construction du site nucléaire à proprement parler, il date également d’avant l’indépendance. En fait, son histoire est liée fortement à celle d’une personnalité bien familière dans le monde estudiantin : Mgr Luc Gillon. Il est le bâtisseur et le premier recteur de l’Université Lovanium entre 1954 et 1967. En recourant à ses réseaux et ses multiples relations, Luc Gillon, présenté comme le père du nucléaire en RDC, a obtenu l’appui de la puissance coloniale, en l’occurrence la Belgique, pour créer le Centre d’études nucléaires de Kinshasa sur le site de l’Université de Lovanium (l’actuel Unikin) dans les années 1959. Né en RDC, ce premier réacteur d’Afrique de type Triga Mark I est entré en service au mois de juin de la même année sur le site universitaire. Mais le pays n’est devenu membre effectif de l’AIEA qu’en 1961, après l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Éthiopie, la Tunisie et le Soudan. Après l’indépendance, le dauphin de Luc Gillon, un jeune ingénieur RD-congolais de 29 ans, Félix Malu wa Kalenga, a pris la relève. Il lui a succédé complètement dans les années 1965. Ce brillant chercheur accompagné d’une équipe chevronnée a le mérite d’avoir modernisé le réacteur Triga Mark I en Triga Mark II en dépit de l’instabilité politique qui caractérise la période. Mais il s’agit d’une autre histoire.  


Laurent Essolomwa

Légendes et crédits photo : 

Le Pr Malu et le Centre nucleaire de Kinshasa