Les Dépêches de Brazzaville



Fanny Mandina : « Le pagne avant tout »


Fanny MandinaLes Dépêches de Brazzaville  : Quel était l’atout majeur de la collection présentée à la KFW ?
Fanny Mandina : C’était une collection haute en couleur. J’estime que l’Afrique trouve sa beauté dans la richesse de ses couleurs. Et, pour moi, c’est le coton imprimé, le pagne bien connu de tous qui présente le mieux l’identité vestimentaire de la femme congolaise. J’ai donc travaillé le pagne sous toutes ses formes pour donner une image plus moderne de la femme, celle qui est émancipée, vit au XXIe siècle, s’assume et s’accepte. Elle s’exprime à travers son élégance parce que ce que nous recherchons, c’est être sensuelle sans être indécente.

Un mot sur le genre de tenues présentées et la particularité des coupes ?
Les coupes étaient faites sur des formes assez basiques. Nous avons utilisé une ligne très épurée qui met en valeur les formes féminines. Et ce, que ce soit pour les pantalons, les combinaisons, les robes du soir ou les petites robes de cocktail. Tout va en déclinaison selon les circonstances du port. Je trouve que lorsque la femme choisit sa garde-robe, qu’elle soit africaine en général ou congolaise en particulier et même sous d’autres cieux, elle a comme premier souci celui de plaire et d’être attrayante. Elle aimerait passer un message qui puisse attirer mais qui, au-delà de tout, doit quand même revenir sur l’aspect intellectuel et reprendre nos valeurs africaines.

Peut-on dire que pour Fanny, c’est le pagne avant tout et pour tout ?
Le pagne avant tout, car il donne tellement de possibilités dans les mélanges des couleurs, dans son accessibilité, et ce qu’il donne dans le vaporeux… Je ne parle pas de n’importe quel pagne, mais du Vlisco que je recommande toujours aux femmes parce qu’il a beaucoup d’attrait, et j’estime que c’est la seule matière textile qui manifeste le plus les origines de la femme congolaise.

Que représente à vos yeux la Kinshasa Fashion Week ?
Il y a un aspect économique qui est mis en relief. Au-delà du beau spectacle que vous avez vu, des belles robes et de l’aspect créatif, il y a le côté économique qui doit nécessairement suivre. Et donc, la Fashion Week est un moyen marketing pour faire connaître les œuvres des stylistes, mais après il doit y avoir une suite. Et c’est là que l’on aborde le sujet des commandes, la production des modèles en différentes tailles pour favoriser l’essor du secteur vestimentaire qui a connu ses heures de gloire mais a disparu avec la destruction des industries lors des pillages et dont la relance se fait grâce aux événements de ce genre. Ils permettent au public d’avoir une plus large connaissance des stylistes locaux qui font un travail appréciable et d'étendre la production. La productivité est le seul élément qui fasse qu’aujourd’hui nous soyons concurrentiels ou compétitifs à l’échelle mondiale et industrielle.

Vos créations ne sont pas à la portée de toutes les bourses…
C’est vrai que la procédure de travail par rapport à la technique, c’est du sur-mesure et le sur-mesure c’est beaucoup de frais. Les séances d’essayage et tout le reste font que cela peut paraître peu accessible à un certain public, mais ce que nous recherchons dans le collectif des modélistes et stylistes du Congo, c’est d’arriver à développer l’aspect économique. Ce serait donc avoir les moyens d’accroître nos unités de production pour que nous soyons en mesure de faire du prêt-à-porter sur différentes tailles. Et, évidemment, qui dit production massive, dit baisse des prix de façon à nous permettre d’inonder le marché de produits made in Congo. Ce qui mettrait un terme à l’exportation de vêtements venant d’Asie qui garnissent nos boutiques de prêt-à-porter. Les clientes pourront s’approvisionner chez les stylistes locaux qui auront créé de véritables PME. Cela facilitera beaucoup de choses et aura des répercussions sur le secteur de la mode. Il finira, comme celui des mines, par apporter des dividendes à notre pays.


Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo : Fanny Mandina. (© DR)