Les Dépêches de Brazzaville



Francophonie : l’organisation s’apprête à introniser une Africaine


« Bienvenue en cette terre d’Arménie éternelle », a déclaré le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, débutant son discours inaugural par un hommage au chanteur franco-arménien, Charles Aznavour, décédé quelques jours avant sa venue prévue à Erevan. « Il a porté le nom de l’Arménie », a-t-il souligné. Un concert a été organisé le soir du même jour en l’honneur de l’artiste.

Le petit pays de trois millions d’habitants, dont 6% de francophones, accueille son plus grand événement international : vingt-six chefs d’Etat et trois mille cinq cents délégués participent à ce XVIIe sommet de l’OIF qui réunit quatre-vingt-quatre pays et territoires.

La grand-messe de la Francophonie doit porter à sa tête, le 12 octobre à la fin du sommet, Louise Mushikiwabo, pour un mandat de quatre ans. La ministre rwandaise des Affaires étrangères a la voie libre depuis que le Canada a annoncé, avec le Québec, le retrait de leur soutien à la secrétaire générale sortante, la Canadienne d’origine haïtienne Michaëlle Jean, qui briguait un nouveau mandat.

La nomination acquise de Louise Mushikiwabo consacre le « retour » de l’Afrique à la tête de l’OIF qui avait toujours été dirigée par des Africains avant Michaëlle Jean et entérine son rôle incontournable de locomotive de la Francophonie. « L’épicentre de la langue française est sans doute dans le bassin du fleuve Congo », a ainsi répété le président français, Emmanuel Macron.

En vertu de son explosion démographique, l’Afrique, continent sur lequel se trouvent vingt-sept des cinquante-quatre membres de l’OIF ayant droit de vote, représentera 85% des francophones en 2050, sur un total de sept cents millions, contre deux cent soixante-quatorze aujourd’hui, selon l’OIF.

« L’Afrique s’impose comme le moteur de la Francophonie », a renchéri le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, avertissant cependant qu’Ottawa « continuera de promouvoir et défendre (...) les droits de la personne et la langue française », allusion aux critiques que suscite la nomination de Louise Mushikiwabo.

Le plurilinguisme n’est pas contraire à la défense du français

La candidature rwandaise est accusée d’être contraire à la charte de l’OIF qui a inscrit « le soutien aux droits de l’Homme » parmi ses missions premières. Le Rwanda pratique « censure, menaces, arrestations, violences, assassinats » contre les journalistes qui osent dénoncer l’autoritarisme de ses dirigeants, a récemment dénoncé l’ONG Reporters sans frontières. « Une organisation qui ruse avec les valeurs et les principes est déjà une organisation moribonde », a tancé Michaëlle Jean dans une attaque à peine voilée, glissée dans son discours au Sommet.

Récemment interrogée par l’AFP, Louise Mushikiwabo avait assuré que « la majorité des Rwandais (était) contente du système démocratique ».

Les droits de l’Homme ne sont pas le seul grief fait à la candidature du Rwanda à qui il est souvent reproché le peu de cas qu’il fait de la Francophonie. Le pays a remplacé le français par l’anglais en tant que langue obligatoire à l’école et a rejoint le Commonwealth, pendant anglophone de l’OIF. C’est, d’ailleurs, en anglais que le président rwandais, Paul Kagame, avait annoncé la candidature de sa ministre.

Mais ce plurilinguisme n’est pas contraire à la défense du français, estime Emmanuel Macron.« Le combat fondamental pour notre langue est un combat pour le plurilinguisme », a-t-il répété.

Soulignant les reproches parfois faits à une Francophonie « trop institutionnelle », il l’a appelée à se « réinventer » afin de prouver qu’elle n’est pas « un espace fatigué mais un lieu de reconquête », notamment « contre l’oppression faite aux femmes ».

« Le premier combat de la Francophonie, c’est la jeunesse et tout particulièrement en Afrique », a ajouté Emmanuel Macron, soutenu par le président nigérien, Mahamadou Issoufou, qui a souligné le besoin d’éducation des jeunes pour mettre fin aux « mariages et grossesses précoces ».

« Il faut investir dans l’éducation de la jeunesse, celle des filles en particulier », a pour sa part insisté le président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra.

Le président français a souhaité, en outre, une révision de la Charte de la Francophonie, notamment quant aux modalités d’adhésion à l’organisation. « Faut-il se contenter de prendre quelques engagements en matière de respect des droits de l’Homme » pour rejoindre l’OIF ? s’est-il demandé, alors que le sommet étudiait la candidature contestée de l’Arabie saoudite en tant que membre observateur.


Nestor N'Gampoula et l'AFP